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Leur société
Référendum en Corse : Les faux choix de Raffarin-Sarkozy
Sarkozy et Raffarin, débarqués à Bastia le week-end des 20 et 21 juin pour défendre leur projet de réforme constitutionnelle de la Corse, ont reçu un accueil digne de leur politique. Chahutés par des dizaines de manifestants qui les attendaient à l'aéroport avec banderoles et pancartes, ils ont dû se réfugier dans une salle où ils ont été interrompus plusieurs fois par les cris de: "Raffarin démission". Un message bien net de la part des travailleurs en colère contre les récentes mesures du gouvernement sur les retraites.
L'étape à Ajaccio n'a pas vraiment réconforté les deux compères qui ont dû constater que pas grand-monde ne s'était déplacé pour les approuver, alors que dehors, une centaine de manifestants jetaient des tomates en direction du bâtiment dans lequel se tenait leur réunion. Ils peuvent incriminer le préfet de région de Corse, qui a été limogé pour de ne pas avoir assuré leur sécurité, force est de constater qu'ils se sont trouvés bien seuls pendant leur séjour où ils étaient censés assurer la promotion du "oui" au référendum qui devrait avoir lieu le 6 juillet dans l'île. Le gouvernement semble avoir quelques soucis à se faire quant au résultat de cette consultation électorale, et Chirac qui avait envisagé de se déplacer sur l'île, au vu de l'accueil reçu par Raffarin et Sarkozy a finalement fait savoir qu'il n'irait pas.
Le projet de loi, soumis au référendum en Corse, est une sorte de banc d'essai de la décentralisation et en même temps un clin d'oeil aux milieux nationalistes. Il porte sur "la modification du statut particulier de la collectivité territoriale." En clair, celle-ci reviendrait à créer un seul département au lieu des deux qui existent aujourd'hui avec la Corse du Sud et la Haute-Corse. L'existence d'une seule collectivité territoriale donnerait davantage de pouvoir aux instances régionales, habilitant la future Assemblée de Corse à recevoir le produit des impôts, recruter du personnel, avoir "une compétence générale pour les affaires de Corse". Cette entité administrative unique serait élue à la proportionnelle mais une proportionnelle ressemblant à ce qui se fait dans d'autres modes de scrutin du continent, c'est-à-dire assurant une prime à la majorité - ce qui pourrait donner un rôle d'arbitre aux nationalistes dans la future assemblée puisqu'ils représentent environ 15% des suffrages.
Le gouvernement et notamment Sarkozy déclarent que ce nouveau statut permettra de sortir la Corse de son immobilisme, de réduire les coûts de son fonctionnement afin de développer l'économie de l'île. Si certains politiciens locaux et certains nationalistes -bien que ces derniers soient divisés sur le vote- sont favorables au changement de statut, c'est qu'ils escomptent en tirer profit. Par la place qu'ils occuperont, ils espèrent être les bénéficiaires directs ou indirects d'un système qui favorisera davantage encore les patrons et affairistes locaux qu'ils connaissent, en leur faisant gagner des contrats juteux ou en leur faisant obtenir des aides lucratives; en d'autres termes, ils y voient la possibilité de mener leurs petites affaires sur l'île plus aisément.
Quant à développer vraiment l'économie de l'île, ils s'en soucient comme d'une guigne, pas plus qu'ils ne se soucient réellement des conditions de vie de la population. L'argument du développement de la Corse, comme celui de toutes les régions défavorisées, n'est pas une nouveauté; il avait déjà été utilisé pour l'installation de zones franches et il n'a servi en réalité qu'à justifier les dérogations sur les salaires et les impôts dont une fraction de la bourgeoisie a seule été bénéficiaire.
On voit donc mal en quoi ce nouveau statut pourrait permettre de résoudre les problèmes qui se posent, en Corse comme sur le continent, à la majorité de la population, pas plus que les précédentes réformes statutaires ne l'ont fait. Depuis 25 ans, c'est la quatrième qui est engagée! Et on peut noter au passage que le projet que le gouvernement Raffarin veut faire voter le 6 juillet avait été préparé par Jospin. Cela n'empêche pas aujourd'hui que se rangent parmi ceux qui font campagne pour le "non" les politiciens de gauche, des radicaux de gauche, dont le maire de Bastia Zuccarelli, au Parti Communiste. Mais même si les projets du gouvernement sont inquiétants, ce n'est pas le maintien de deux départements au lieu d'un seul qui peut être une défense contre l'aggravation permanente du chômage en Corse, les bas salaires et les attaques contre le service public!
Le 6 juillet, en Corse, les travailleurs conscients ne peuvent que s'abstenir. Il est ridicule de prétendre que la population choisit son avenir lorsqu'on lui demande si elle veut un ou deux départements. Ce pseudo-choix d'un "statut" n'est qu'une opération politique dont le gouvernement voudrait se servir à son profit.
L'avenir ne se décidera que par la lutte, comme les travailleurs en Corse l'ont senti en participant très largement aux manifestations et aux mouvements de grève contre les mesures du gouvernement, en même temps que les travailleurs du reste du pays!