Satisfaisant les simagrées d'indignation de tout le beau linge mis en accusation dans le procès Elf à l'annonce de la sortie du livre d'Eva Joly, le président du tribunal de grande instance de Paris -égratigné lui-même dans ledit ouvrage où il est question de ses relations "houleuses" avec l'auteur- a utilisé une argutie juridique pour différer la sortie du livre jusqu'au 7 juillet.

Il faut dire que la juge y évoque, en long et en large, les moyens de pression utilisés par ces escrocs si haut et si bien placés -PDG, ancien ministre et autre député européen- et les méthodes dignes de la mafia utilisées pour entraver l'instruction.

C'est dire combien les juges eux-mêmes sont démunis pour faire la chasse à ces délinquants qui se considèrent au-dessus des lois. Même si ce ne sont pas les derniers à s'indigner quand ils estiment que la loi n'est pas assez rigoureuse contre les pauvres et les faibles. Il faut dire que ce qui est en cause, ce n'est pas le vol à la tire, mais les sommes utilisées par des grands groupes industriels pour soudoyer des hommes politiques ou autres intermédiaires bien placés.

Lors d'une récente réunion avec quelques-uns de ses collègues, Eva Joly a aussi souligné à quel point les moyens juridiques dont disposent les juges qui voudraient entraver ces pratiques sont remarquablement faibles. C'est pourquoi elle a demandé "d'organiser une traçabilité totale des flux financiers comportant l'identification précise des bénéficiaires et des donneurs d'ordres", ajoutant que d'ailleurs "les outils techniques existent pour tracer les flux financiers des fortunes mal acquises".

Voilà une suggestion qui devrait retenir l'attention de Perben et de Sarkozy. Mais ces derniers sont trop affairés à faire la chasse aux pauvres, aux jeunes, aux gens dans une situation fragile, pour s'occuper des délinquants de la haute société.