SNCF, RATP : Vive notre grève !19/06/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/06/une1820.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

SNCF, RATP : Vive notre grève !

(Ce texte est celui d'un tract Lutte Ouvrière diffusé à la SNCF et à la RATP)

La grève s'est terminée sans que nous ayons obtenu le retrait du plan Raffarin-Fillon sur les retraites. Mais cela, chacun le savait: pour faire reculer le gouvernement sur une telle question, il fallait que le mouvement dépasse la seule Fonction publique. Malgré son importance, son dynamisme, le nombre de secteurs touchés et la sympathie qu'elle a rencontrée parmi de très nombreux travailleurs, la grève n'a pas été suffisamment puissante pour entraîner beaucoup plus que de la sympathie.

Cette grève a montré l'injustice de cette société: ce n'est pas ceux qui ont raison qui ont gain de cause, ce sont les cyniques, les profiteurs et ceux qui détiennent, injustement quoi qu'ils en disent, le pouvoir politique.

Le bon droit était du côté des travailleurs en lutte, alors que le mensonge était du côté du gouvernement. Les caisses de retraite ne sont pas en déficit. Le seront-elles dans vingt ou trente ans, comme l'affirment avec culot ceux qui se basent sur les seules données démographiques, sans tenir compte de tous les facteurs qui, sur une si longue période, vont en sens contraire, comme, par exemple, l'évolution de la productivité? Les mêmes sont d'ailleurs, dans le camp du patronat, incapables de prévoir à trois mois l'évolution de leur propre économie, et même à 24 heures celle de la Bourse!

Si, un jour, les cotisations des salariés en activité ne suffisent plus à payer les retraites, ce sera parce que le chômage aura encore augmenté, parce que les licenciements seront toujours plus importants, parce que les salaires seront encore plus insuffisants et la précarité du travail toujours plus développée.

Ce sera en fait parce que le patronat accapare toujours plus de richesses à notre détriment. Alors, si tel est l'avenir que l'on nous prépare pour demain, nous avons mille fois raison de nous y opposer dès maintenant.

Durant la grève, chacun d'entre nous a senti qu'elle était prometteuse, non seulement pour les luttes en cours mais aussi pour les luttes futures. Le fait que les cheminots, les postiers, les agents de la RATP, les enseignants aient essayé de convaincre, non seulement les travailleurs de leur propre catégorie mais aussi ceux des autres, de se joindre au mouvement, est un phénomène positif et prometteur. C'est une bonne chose que des enseignants soient allés vers les cheminots, que des cheminots soient allés vers les agents de la RATP et que ceux-ci aient été vers d'autres encore. C'est une bonne chose parce qu'avec les liens qui se sont tissés ainsi, s'est forgée la conscience commune que tous les travailleurs ont les mêmes intérêts.

Tous ceux qui étaient contre notre grève ont fait mine de s'étonner que les travailleurs de la SNCF ou de la RATP, qui ne sont pas concernés aujourd'hui par le plan Raffarin-Fillon, réagissent quand même. Comme si nos familles n'étaient pas aussi touchées par ces mesures lorsqu'elles travaillent dans d'autres activités. Et, surtout, comme si nous étions assez fous pour ne pas comprendre que, si le gouvernement parvient à imposer son plan, tout le monde en sera victime, tôt ou tard! De plus, si de notre part il ne s'était agi que de solidarité avec ceux qui sont touchés, cela aurait été tout à notre honneur.

De toute façon, notre combat est légitime parce qu'il va dans le sens des intérêts des millions de travailleurs de ce pays. Il est légitime encore car il est une mise en garde à tous ceux qui veulent, demain, continuer les attaques en rognant sur le budget de la Sécurité sociale, c'est-à-dire sur notre santé.

Mais il faut le dire aussi, plusieurs moments de la grève ont laissé à beaucoup un goût amer. Pas parce que nous ne sommes pas parvenus à faire reculer le gouvernement, mais parce que le sentiment existe de n'avoir pas été au bout des possibilités et d'avoir ainsi manqué des occasions, le sentiment de ne pas avoir été soutenus, comme il l'aurait fallu, par les syndicats. Ce fut le cas en particulier après la grande manifestation du 13 mai quand, au lieu de s'adosser au succès de cette journée comme sur les décisions des assemblées générales du lendemain de poursuivre majoritairement la grève, la CGT a choisi de la suspendre. La direction de la CFDT, quant à elle, abandonnait le camp des travailleurs en soutenant ouvertement le gouvernement.

En fait, les directions syndicales n'ont, à aucun moment, voulu vraiment contraindre le gouvernement à retirer tous ses projets, mais seulement voulu une autre négociation pour "une autre réforme des retraites", c'est-à-dire à l'avance annoncer un compromis. Il y avait là un hiatus entre les objectifs des grévistes et les limites que s'étaient fixées les principales directions syndicales.

Nous grévistes, nous militants syndicaux, qui sentons bien que d'autres voies auraient pu s'ouvrir, il nous faudra à l'avenir décider nous-mêmes de tout ce qui concerne nos luttes et, surtout, les contrôler totalement, sans laisser leur stratégie aux mains des appareils syndicaux.

De toute façon, ce que le gouvernement fait aujourd'hui, nous devrons le défaire demain, tout comme nous aurons à nous défendre contre d'autres attaques qu'il prépare. Et c'est en conservant tous les aspects positifs de notre grève que nous mettrons de notre côté toutes les chances pour gagner.

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