Opération policière contre les Moudjahidines iraniens19/06/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/06/une1820.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Opération policière contre les Moudjahidines iraniens

Mardi 17 juin, une vaste opération de police a été menée contre les représentants des Moudjahidines du peuple iraniens en France. La police avait mis le paquet: dès 6 heures du matin, elle a investi quatre villas situées à Auvers-sur-Oise, en région parisienne, abritant des membres de cette organisation ainsi que d'autres "sites" - treize au total - dans les Yvelines et le Val-d'Oise. 1300 policiers de différents services ont été mobilisés, 80 gendarmes du GIGN, des policiers du Raid, responsables de l'opération, de la DST, de l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière.

La raison officielle d'un tel coup de filet est que l'organisation "Les Moudjahidines du peuple" appartient à la liste des mouvements terroristes dressée par les États-Unis et l'Europe. Selon le communiqué du ministère de l'Intérieur, "ces implantations en Ile-de-France sont considérées comme des bases organisationnelles, logistiques et opérationnelles au financement douteux".

Mais ce sont les motifs mis en avant par le ministère de l'Intérieur pour justifier une opération d'une telle envergure qui semblent douteux. Pourquoi procéder, aujourd'hui, à cette rafle, alors que les militants de cette organisation résident depuis plus de vingt ans sur le territoire français et qu'ils étaient même en permanence protégés par des caméras et plusieurs gendarmes?

Le mouvement des Moudjahidines est apparu en 1965 en Iran. Il s'était allié à l'ayatollah Khomeiny quand celui-ci prit le pouvoir en 1979, et fut chassé de ce pays deux ans plus tard. A partir de 1983, il devint la principale opposition armée au régime iranien et se rapprocha de l'Irak, en y installant notamment plusieurs camps d'entraînement près de la frontière iranienne.

Dès 1985, l'État américain avait dénoncé ce groupe comme un mouvement "pro-islamique, antidémocratique et antioccidental", en raison notamment de ses actions de guérilla urbaine qui s'en prenaient aux intérêts américains. En mai 2002, l'Union européenne imitait les États-Unis en le faisant figurer sur la liste des mouvements terroristes. Le dernier coup d'accélérateur a été donné avec la guerre en Irak au printemps 2003. L'opération policière conduite tambour battant ici intervient quelques semaines après les bombardements menés par les États-Unis sur les camps d'entraînement des Moudjahidines en Irak. Cette démonstration de force en France ressemble donc à une réplique de l'action américaine. Mais c'est là qu'on peut se demander quel "coup tordu" cache cette subite opération.

En effet, elle intervient alors que des manifestations se déroulent en Iran contre le pouvoir en place et où les États-Unis accentuent leur pression sur l'Iran et où, selon certaines informations, un accord aurait été conclu justement entre les États-Unis et les Moudjahiddines, en tant qu'opposants au pouvoir en place.

Dans cette hypothèse, l'opération policière contre les Moudjahiddines serait plutôt une faveur faite au régime iranien, et un pied de nez aux États-Unis.

Comme quoi la "lutte contre le terrorisme" tant invoquée par nos gouvernants peut être à géométrie variable en fonction de calculs n'ayant que peu de rapport avec les raisons invoquées... ou inventées.

En tout cas, la police a bénéficié d'une débauche de moyens et des honneurs des médias. Nos sherifs en action auront interpellé plus de 160 personnes, en auront placé 158 en garde à vue à la fin de la matinée et saisi 1,3 million de dollars dans un coffre. Côté spectacle, c'est une réussite. Et cela n'empêchera certainement pas les gouvernants français, dans leurs discours dominicaux, de continuer à déclarer que la France est une terre d'asile pour les opposants politiques et les persécutés de tous les pays.

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