L'assurance maladie en ligne de mire19/06/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/06/une1820.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

L'assurance maladie en ligne de mire

Lors de son discours à Toulouse devant le congrès de la Mutualité française, Chirac a lancé un nouveau chantier: celui de la "Sécu". Après les retraites, c'est un autre chantier de démolition qu'il veut mettre en place. Médecine à plusieurs vitesses, privatisation de la santé, voilà l'avenir que le gouvernement Chirac-Raffarin nous prépare dans le domaine de la santé. C'est le droit de se soigner qui est clairement visé.

Prévu à l'origine pour l'automne 2002, le projet de refonte de l'assurance-maladie doit être bouclé avant douze mois, a indiqué Chirac. Pour l'instant, les détails du projet n'ont pas été divulgués. Mais les différentes déclarations des ministres, les rapports que le gouvernement a commandés pour justifier sa réforme, en particulier le rapport Chadelat d'avril 2003, laissent présager le pire.

Toujours moins de remboursement des soins

La création d'une "sorte de Haut conseil du remboursement" a été annoncée, qui serait chargé de définir ce qui mérite d'être remboursé ou non, parmi les médicaments et actes médicaux.

On a déjà vu comment, en avril dernier, le gouvernement a, en catimini, décidé de diminuer de 65% à 35% le remboursement de 617 médicaments, pour certains très utilisés. Il a déjà institué la baisse du remboursement des visites de médecin à domicile, sauf impossibilité de se déplacer au cabinet médical.

A vrai dire, parler de gratuité des soins aujourd'hui est un mensonge. Les gouvernements successifs ont, chacun à la fois, augmenté les cotisations des salariés à la Sécu et diminué le taux de remboursement des dépenses de santé. Il est au contraire devenu de plus en plus coûteux de se soigner. Le "ticket modérateur" est une véritable franchise. Fixé par décret, il est de 30 à 40% pour les honoraires, 35% ou 65% pour les médicaments, 20% pour les frais d'hospitalisation. Par ailleurs, un forfait hospitalier de 10,67 euros par jour s'ajoute au ticket modérateur.

Le gouvernement entend continuer sur cette voie et 835 autres médicaments figurent sur la prochaine liste des médicaments susceptibles de ne plus être remboursés. Le prétexte de ces déremboursements figure dans la "classification en fonction du service rendu". Et le rapport préconise d'étendre ces déremboursements à tous les soins: "Ce qui a été fait pour le médicament devra nécessairement être fait pour la totalité des dépenses de santé, et ce dans un très grand degré de détail."

Dans sa frénésie à ôter le maximum de soins du champ de remboursement de la Sécurité sociale, le rapport invente même le remboursement à... 0%! Ainsi il préconise "un remboursement à taux 0 par l'AMO (la Sécu), qui laisserait ouverte une prise en charge par l'AMCB (la complémentaire), à un niveau qu'il appartiendrait de définir selon les biens."

Si les malades ont tout à perdre dans ces déremboursements, cela peut au contraire faire les affaires des assureurs privés qui affûtent leurs publicités, car le gouvernement propose en fait d'accroître la part du privé (mutuelles et compagnies d'assurance) dans le remboursement des soins.

La porte ouverte aux assurances privées et au profit

Actuellement, les mutuelles représentent la majorité du marché des assurances complémentaires. Officiellement à but non lucratif, elles ont comme principe de "mutualiser" les dépenses. Ainsi un individu âgé ou malade, nécessitant plus de soins et de remboursements peut ne pas être du tout "rentable" d'un point de vue financier. Mais cela peut être compensé par les cotisations d'un individu plus jeune et en parfaite santé. Toutefois, même le meilleur esprit "mutualiste" ne pourra les dispenser d'augmenter leur tarif pour offrir une couverture à taux plein.

Les compagnies d'assurance, elles qui trépignent d'impatience, n'ont pas ces scrupules ou ces obligations. Ainsi, la Fédération française des sociétés d'assurance vient d'annoncer ses exigences: elle invite le gouvernement à ne rembourser que les maladies les plus graves et se propose de prendre en charge, "dès le premier euro", l'optique, les soins dentaires, l'appareillage auditif et les petits appareillages. Les assurances souhaitent clairement récupérer des pans entiers d'un marché qui leur échappe pour l'essentiel (elles ne représentent que 2,5% du financement des soins).

Pas besoin d'être devin pour imaginer les conséquences de la mainmise du privé sur la santé. Comme pour l'assurance auto, il y aura les contrats "tous risques" pour les plus riches. Les pauvres, incapables de payer pour s'assurer au prix fort, devront payer de leur poche en cas d'accident ou de maladie, ou se passer de soins. On verra des travailleurs vendre leur pavillon, se saigner pour payer une opération, une prothèse qu'ils n'auront pu assurer. Si ces mesures entraient en application, on assisterait à un recul général de l'état de santé dans les classes populaires.

Les garde-fous, que préconise l'auteur du rapport face à ces risques, sont dérisoires. Il prône par exemple la création d'un "bon d'achat" d'une complémentaire pour ceux qui n'auraient pas les moyens de s'offrir les tarifs des assurances complémentaires. Et il précise que "chaque assurance complémentaire est libre de fixer le prix de ses contrats.(...) Mais, pour le contrat type de base, les principes fondamentaux d'éthique assurantielle doivent être respectés: non-sélection des risques, non-majoration pour état de santé, absence de période probatoire..."

Qui va croire que les compagnies d'assurance respecteront ce voeu pieux? En tout cas, pas l'auteur du rapport. Devinant que les compagnies taxeront par exemple les personnes âgées, il veut les autoriser à le faire, mais sans excès: "Il serait souhaitable de préciser que le tarif des personnes âgées ne peut être supérieur de X% au tarif moyen et qu'à l'inverse celui des jeunes ne pourrait être inférieur de Y% au tarif moyen."

Demander à une entreprise capitaliste de ne pas faire le profit maximum, même sur la santé et la dignité humaine, est une absurdité.

Comme pour les retraites, il faut défendre le droit à la santé pour tous et imposer le retrait des plans du gouvernement.

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