Démagogie anti-grévistes19/06/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/06/une1820.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Démagogie anti-grévistes

Dans la série des rumeurs qui circulent et qui sont souvent répercutées avec complaisance par les médias, on laisse entendre que les jours de grève ne seraient pas retenus sur les paies des grévistes de la Fonction publique. Les fonctionnaires et assimilés, les enseignants et le personnel non enseignant de l'Éducation nationale, les cheminots et les travailleurs des entreprises de transport en commun comme la RATP à Paris ou autres entreprises dans les métropoles régionales, pourraient ainsi faire grève sans encombre et sans frais, à la différence des travailleurs des entreprises privées qui, eux, sont touchés au porte-monnaie.

C'est un mensonge, qui s'inscrit dans une campagne politique qui vise à dresser l'opinion publique contre les grévistes du secteur public. Si l'on en croit les sondages, cela ne prend pas. Heureusement, car la réalité est tout autre.

Aujourd'hui la propagande du gouvernement a changé d'axe et s'est transformée en tentative d'intimidation des grévistes.

Par exemple, dans l'Éducation nationale, un texte officiel de juillet 1978, dit "arrêt Omont", donne les moyens au gouvernement de faire payer très cher les journées de grève. Ce texte précise que dans le cas d'un "collègue en grève pendant plusieurs jours, pour chaque jour de grève, un trentième de salaire est retiré, y compris les jours où il n'est pas sensé travailler (dimanche, jour férié, jour où il n'a pas cours le cas échéant, etc.)." Autant dire que le décompte des retenues pour fait de grève pourrait être lourd...

Il faut aussi tordre le cou à l'idée que les cheminots, employés de la RATP ou d'autres sociétés de transports en commun urbains pourraient faire grève sans retenues sur salaires. Au contraire, les paies des mois qui viennent risquent d'être amputées sévèrement.

A la SNCF, par exemple, la direction a décidé d'étaler sur trois mois les retenues, afin de ne pas réduire à néant pour certains grévistes la paie de juin. Mais tous les jours de grève de mai seront retirés fin juin, et ceux de juin seront retirés sur juillet et août. De plus, toutes les primes tombent, qui représentent un tiers du salaire pour les roulants par exemple et environ un dixième pour les sédentaires.

Au total, aussi bien dans l'enseignement qu'à la SNCF, une journée de grève coûte beaucoup plus cher que ce que touchent enseignants ou cheminots quand ils travaillent une journée ordinaire. Car les journées de repos, si elles sont intégrées dans une période de grève, sont elles aussi retirées de la paie. Cela pèse d'autant plus que la direction SNCF en particulier, qui visiblement tient à faire payer le prix fort aux grévistes, menace de sanctionner ceux qui n'ont pas fait grève à partir du démarrage du préavis ou ont repris le travail entre deux journées de grève. La direction SNCF considère en effet que se remettre en grève après avoir repris le travail ne relève plus de l'exercice du droit de grève mais devient une "absence irrégulière" et doit être sanctionné. Et la situation est comparable pour tous les travailleurs des entreprises publiques qui ont fait grève.

Ainsi donc, non seulement les grévistes ne sont pas payés quand ils cessent le travail, contrairement aux bobards qui circulent, mais ils risquent d'être pécuniairement sanctionnés, bien au-delà de ce qu'ils touchent en travaillant. C'est ni plus ni moins qu'une amende pour avoir exercé leur droit de grève, pourtant inscrit dans la Constitution.

Comme quoi, il y a la loi, et la façon dont elle est appliquée. Mais ces sanctions, ces mesures d'intimidation n'empêchent pas les salariés de se défendre. Raffarin, Fillon, Ferry, viennent d'en faire l'expérience à leurs dépens.

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