Allemagne : Attaques contre les travailleurs et passivité syndicale19/06/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/06/une1820.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : Attaques contre les travailleurs et passivité syndicale

Le congrès extraordinaire du Parti Social-Démocrate (SPD) qui s'est tenu le 1er juin à Berlin a été un succès pour Gerhard Schröder. Ce congrès avait été convoqué à la demande d'un certain nombre d'opposants à son programme d'attaques contre le monde du travail baptisé Agenda 2010, un projet qui prévoit, entre autres, de réduire les indemnités de chômage de longue durée, de limiter le remboursement des dépenses de santé et d'assouplir le droit de licenciement (voir LO n° 1813). Mais les congressistes ont approuvé, à 90%, ce programme. Et la petite fronde qui avait agité certains des notables locaux du SPD, inquiets que les mesures annoncées ne détournent toute une partie de l'électorat social-démocrate, a fait long feu.

Certains de ces opposants sont rentrés dans le rang avant le congrès et l'appareil du SPD a fait le reste pour s'assurer une majorité confortable. Fort de ce succès, le chancelier a décidé d'accélérer la mise en oeuvre d'un certain nombre de mesures: le gouvernement devrait, d'ici l'automne, présenter au Parlement plusieurs projets de loi. En particulier il serait prévu qu'à partir de 2005 les retraites ne suivent plus l'augmentation des salaires, ce qui conduirait à une baisse du pouvoir d'achat des retraités. Il est clair que le SPD est prêt à aller jusqu'au bout pour répondre aux demandes de la bourgeoisie: tailler, autant qu'il est possible, dans les dépenses sociales, afin de rendre l'Allemagne plus "compétitive" et gonfler les profits patronaux.

Un scénario identique s'est produit le 15 juin lors d'un congrès des Verts, le second parti de la coalition gouvernementale, au cours duquel les projets gouvernementaux ont été largement approuvés.

Face à ces attaques de la part du pouvoir, les syndicats n'ont organisé qu'un simulacre de riposte. Pourtant, les manifestations du 1er mai ont connu cette année une ampleur inhabituelle et, dans de nombreuses villes, les manifestants ont conspué la politique de Schröder. Et lors du rassemblement central de la principale centrale syndicale, le DGB, à Neu-Anspach, dans la Hesse, Schröder qui s'adressait directement aux travailleurs présents a été sifflé.

Jürgen Peters, vice-président de la fédération de la métallurgie, l'IG Metall, avait alors prédit au chancelier un "mai brûlant". En réalité il fut bien tiède. La manifestation "nationale" organisée le samedi 17 avril à Berlin par Verdi, la fédération des travailleurs des services, a été essentiellement limitée au secteur social et à celui de la santé. Elle n'a réuni, selon les chiffres syndicaux eux-mêmes, que 10000 personnes, sans doute moins en réalité. Cela n'est guère étonnant car le syndicat n'a même pas fait tout ce qui était nécessaire pour informer les travailleurs: dans certains secteurs concernés, comme des hôpitaux, il n'y a même pas eu le moindre tract distribué! Et dans certaines villes de la Ruhr, il n'y avait qu'un seul car pour monter à Berlin... bien moins que lors de la grande manifestation de février dernier pour protester contre la guerre en Irak et, par la même occasion, soutenir Schröder qui avait pris ses distances d'avec les États-Unis.

Le samedi suivant, les manifestations régionales organisées par Verdi ou l'IG Metall sont restées également limitées. Zwickel, président de l'IG Metall, a considéré qu'il convenait maintenant de négocier. On verrait éventuellement pour d'autres actions... à l'automne.

Evidemment, on ne sait pas si la classe ouvrière répondrait "présent" si un plan de lutte conséquent lui était présenté. Beaucoup de travailleurs se sentent écrasés par l'importance des coups que le gouvernement SPD-Verts s'apprête à leur porter, mais aussi par le poids du chômage. Sur le plan électoral cela se traduit par des sondages calamiteux pour le SPD, qui n'aurait plus, si les élections avaient lieu en ce moment, que 25% des suffrages contre 49% à la CDU... huit mois seulement après la réélection de Schröder au poste de chancelier. Cela s'exprime encore par le succès de la campagne d'autocollants lancée par le grand journal réactionnaire Bild-Zeitung ("Baisser les impôts met l'Allemagne en forme"), que l'on trouve apposés sur nombre de voitures. Ce slogan ambigu contre les impôts trop lourds... revient à soutenir les mesures gouvernementales en faveur de la baisse des impôts sur les entreprises et les riches.

Pourtant des signes indiquent qu'une fraction au moins des travailleurs ne baissent pas la tête et sont prêts à la lutte. Le 29 avril par exemple, une grève de protestation contre l'Agenda 2010 a eu lieu dans diverses entreprises d'une petite ville industrielle de Bavière, Schweinfurt. Dans la manifestation, qui regroupait 4000 travailleurs, des banderoles réclamaient une grève générale contre les projets de Schröder. De la même façon, les travailleurs de la métallurgie est-allemande ont répondu massivement "présents", début juin, lorsque le syndicat des métallurgistes, l'IG Metall, a organisé des grèves, pourtant bien limitées, pour l'obtention des 35 heures.

Ces quelques exemples sont sans doute encore loin d'annoncer la mobilisation d'ensemble du monde du travail qui serait nécessaire pour faire remballer ses projets au gouvernement SPD-Verts. Mais ils constituent autant d'encouragements pour tous ceux qui, en Allemagne, se rangent dans le camp des travailleurs.

Partager