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- Lutte ouvrière n°1816
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SNCF : Contre le projet Fillon-Raffarin, la lutte reste à l'ordre du jour
L'élan donné par le succès de la manifestation du 13 mai, l'évidence, criante aux yeux de tant de cheminots, qu'au lendemain du 13 il était possible et même nécessaire de continuer si l'on voulait vraiment faire reculer Fillon et Raffarin, se sont heurtés à l'opposition des directions syndicales qui, mis à part Sud-Rail et FO, très minoritaires, n'avaient pas déposé de préavis général de grève. La direction de la CFDT cachait mal son impatience à signer l'accord avec Fillon et n'avait aucune intention d'aider les cheminots à exprimer leur hostilité à la réforme. Quant à la CGT, elle avait annoncé son programme de journées d'action (le 13 mai, puis le 25, puis le 3 juin) et entendait s'y tenir, même si les travailleurs exprimaient une autre façon de voir les choses en voulant continuer après le 13 mai.
Cette politique a laissé bien des cheminots désemparés et, du coup, hésitant à poursuivre contre la prise de position de l'appareil CGT. Car, dans de nombreux ateliers et secteurs, les responsables CGT militaient contre la grève et affichaient leur opposition par des tracts et des déclarations lors des assemblées de travailleurs. Le 14 mai et plus encore le 15 mai, les responsables CGT énuméraient les secteurs qui reprenaient -ou plutôt qu'ils avaient fait reprendre- pour inciter ceux qui voulaient continuer à retourner au travail. Ils argumentaient en constatant que, puisqu'il n'y avait pas de grève générale de la fonction publique et du privé, il était vain de poursuivre la grève. L'idée, pourtant présente dans beaucoup d'esprits, qu'il faut bien que la grève commence quelque part avant de s'étendre était écartée d'emblée.
Bien des militants et sympathisants CGT n'acceptèrent pas cette façon de voir et le firent comprendre, parfois très vertement, à leurs dirigeants. Mais l'attitude des responsables du syndicat majoritaire à la SNCF a considérablement pesé pour que ce qui avait été perçu comme possible avec le 13 mai tourne court. Du moins dans l'immédiat.
Cependant, et même si les cheminots ont repris le travail, il y a longtemps qu'un tel climat de discussions sur la lutte à mener n'a pas régné parmi eux, en particulier parmi les plus jeunes. Les discussions sont nombreuses entre militants syndicaux et travailleurs, comme entre travailleurs, sur la politique des directions syndicales et sur celle du gouvernement, sur l'ampleur du mouvement dans l'Éducation nationale et l'opportunité de le rejoindre dans la grève, sur la nécessité de s'organiser pour lutter sans, voire contre ces directions syndicales qui montrent qu'elles ne veulent pas d'un mouvement d'ensemble. L'idée qu'une grève a besoin du soutien et de la participation de tous pour être la plus forte; celle que, sans démocratie véritable, sans respect des décisions prises dans les assemblées, l'unité nécessaire pour aller au bout des possibilités ne peut exister: tout cela est largement discuté parmi les cheminots. Et c'est un gage pour l'avenir.
Les fédérations de cheminots CGT, CFDT, FO, CFTC, Sud-Rail, UNSA (autonomes), FGAAC (syndicat des agents de conduite) se sont rencontrées au soir du mardi 20 mai pour "mettre en débat dans leurs instances respectives le principe d'une grève reconductible après le 25 mai". Il est difficile d'être plus prudent ou plus timoré dans la formulation. Finalement, Sud-Rail a décidé de déposer pour le lundi 26 mai, non un préavis national, mais des préavis de grève par régions (c'est du moins le cas pour la région Nord de Paris). Mais comme on pouvait s'y attendre, les autres fédérations et en particulier la plus influente d'entre elles, la CGT, n'appellent à rien du tout pour le 26. En revanche, toutes les fédérations se sont ralliées à l'échéance fixée depuis longtemps par la CGT, celle du 3 juin, en espérant peut-être que, d'ici là, le personnel de l'Éducation nationale ne sera plus en grève... La CGT reste décidée à s'en tenir à son programme de manifestation le 25, importante mais sans suite immédiate, et d'appel à la grève le 3 juin, comme cela a été décidé par la confédération. Une fois de plus, l'intervalle entre deux rendez-vous dans la rue et dans la grève ne sera pas utilisé par la CGT pour renforcer la mobilisation, mais relève plutôt d'une tactique dilatoire visant à faire retomber, avant le rendez-vous suivant, le climat qui se serait un peu trop réchauffé à son goût.
Cette tactique de diversion réussira-t-elle? La journée du 13 mai a incontestablement changé l'état d'esprit de l'ensemble des travailleurs du rail. Et il faut espérer que ceux-ci se saisiront de toutes les opportunités offertes pour se retrouver dans la rue, dans la grève, pour dire "non" au projet Fillon-Raffarin de casser leurs retraites. Comme beaucoup le pensent, et le disent, "c'est le moment ou jamais".