Retraites : Des concessions en trompe-l'oeil22/05/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/05/une1816.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Retraites : Des concessions en trompe-l'oeil

La séance de nuit de négociations pour faire croire que le gouvernement a vraiment tout fait pour améliorer son projet ne trompe pas grand-monde. Et ce n'est pas parce que le secrétaire de la CFDT s'est dit satisfait, en prétendant que l'avenir des retraites est maintenant assuré, que cela correspond à la réalité.

En fait, le gouvernement n'a effectué des reculs que sur des aspects mineurs, prévus d'avance, et qui ne changent rien au fond.

"Une mesure symbolique"

Fillon a reconnu lui-même que le maintien du calcul de la pension des fonctionnaires sur les six derniers mois, et non sur les trois dernières années du traitement, était une "mesure symbolique" qui n'avait que très peu d'incidence financière. Et pour cause: les fonctionnaires qui partent en retraite ont en moyenne plus de trois ans d'ancienneté dans leur échelon. Par contre, il maintient la revalorisation des pensions selon l'indice des prix hors tabac, à la place d'une revalorisation en fonction de l'évolution des salaires, qui permet aux retraités de bénéficier à juste titre des acquis obtenus par les salariés. Et c'est cette mesure qui va faire décrocher les pensions par rapport aux salaires, comme cela se passe déjà dans le privé.

Poudre aux yeux sur les primes

Et ce n'est pas la mesure prise pour les aides-soignantes d'intégrer 10% de leurs primes dans leur traitement pour le calcul de la pension qui peut compenser ce qu'elles vont perdre avec l'indexation des pensions sur les prix; sans parler de la décote de 3% par année manquante, qui touche particulièrement les femmes.

Quant à la caisse de retraite complémentaire obligatoire pour les fonctionnaires, que le gouvernement veut mettre en place pour prendre en compte les primes à hauteur de 20% du traitement dans le calcul de la pension, non seulement il faudra que les fonctionnaires payent une nouvelle cotisation qui peut se monter jusqu'à 1% du traitement mais, cette caisse fonctionnant en partie par achat de points, il faudra attendre 40 ans voire plus pour toucher un complément intégral, et de toute façon pas bien élevé. A la plupart de ceux qui partiront en retraite dans les années qui viennent, on demande de payer tout de suite pour ne toucher qu'une somme purement symbolique au moment de leur retraite: c'est un marché de dupes!

Les années manquantes rachetées au prix fort

A condition d'en avoir les moyens, il sera possible de racheter jusqu'à trois années de cotisations manquantes, à condition que cela ne coûte pas un sou aux caisses ou à l'État. Le prix sera d'autant plus élevé que l'espérance de vie sera plus grande. Ceux dont l'espérance de vie est la plus faible paieront dans le meilleur des cas l'intégralité de ce qu'on leur reversera plus tard pour ces trois années supplémentaires. Et dans le pire des cas, s'il y a un tarif unique pour tout le monde, ils paieront plus, pour ceux dont l'espérance de vie est plus longue. Le beau cadeau!

Les pensions des smicards vont baisser

Le gouvernement ose parler de "garantir les retraites" en proposant que les smicards ayant cotisé 40 ans (et plus dans l'avenir) touchent une pension égale à 85% du Smic net. Cela équivaudrait aujourd'hui à 5000 F (750 e). Mais ce n'est qu'en 2008 que cette "garantie" serait atteinte grâce à un relèvement progressif de ce qu'on appelle le minimum contributif.

Instauré en 1985, ce minimum contributif, correspondant à l'époque à 95% du Smic, était destiné à garantir une pension minimum aux salariés qui avaient 37,5 ans de cotisations au Smic. Mais ce minimum contributif a été revalorisé uniquement, depuis cette date, de la hausse des prix hors tabac. Le résultat, c'est qu'il est loin d'avoir suivi l'évolution du Smic et n'en représente aujourd'hui plus que 60%. Il est actuellement à 533,52 e, en dessous même du minimum vieillesse, qui est pourtant très faible (578 e) et qu'on ne peut toucher qu'à partir de 65 ans, à condition d'être suffisamment démuni. Il y a aujourd'hui trois millions de retraités qui ne touchent que le minimum contributif, dont 80% de femmes.

Au lieu de rétablir immédiatement ce minimum à hauteur au moins de ce qu'il était à l'origine, le gouvernement le revalorisera de 3% au-dessus de la hausse des prix l'an prochain, puis encore de 3% en 2006 et en 2008. C'est dire que même ces malheureux 85% du SMIC sont repoussés aux calendes grecques, quand le gouvernement aura passé la main et, en attendant, les pensions des smicards vont continuer à baisser comme les autres. D'ailleurs 2008, c'est justement l'année où une commission "indépendante" doit se réunir pour proposer de nouveaux sacrifices si l'équilibre des régimes n'est pas assuré! On ne peut se moquer plus ouvertement du monde.

De très très longues carrières...

Ceux qui ont commencé à travailler à 14 ou 15 ans pourront dès l'an prochain partir à la retraite à 56 ou 57 ans, à condition d'avoir cotisé 42 ans! Ils ne partiront qu'à 58 ans s'ils n'ont cotisé "que" 41 ans. Quant à ceux qui ont commencé à travailler à 16 ans, ils ne pourront partir qu'à 59 ans, à condition d'avoir cotisé au moins 40 années; mais pour beaucoup ce seront 43 ans de cotisations!

Le régime général taxé une fois de plus

Il s'agit d'autant moins d'un cadeau que c'est le prétexte pris pour augmenter les cotisations au régime général de 0,2% à partir de 2006. Comme si ces travailleurs, qui ont travaillé souvent plus de 40 ans, n'avaient pas déjà plus que largement contribué à leur retraite.

En fait, ce sont les cotisations patronales qu'il faudrait sérieusement augmenter. Si les patrons payaient ne serait-ce qu'à hauteur de ce qu'ils payaient il y a 25 ans, lorsque les cotisations patronales finançaient 80% de la protection sociale, contre moins de 60% aujourd'hui, il y aurait suffisamment d'argent dans les caisses pour payer des pensions correctes qui suivraient l'évolution des salaires.

Le gouvernement se refuse à s'attaquer aux privilèges du patronat, qui bénéficiera cette année de quelque 26 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales, dont 7 milliards d'euros que le gouvernement Chirac-Raffarin a décidé d'ajouter aux exonérations accordées par les gouvernements précédents!

Le gouvernement affiche avec ses prétendus reculs le mépris qu'il a du monde du travail. Oser présenter comme des concessions des promesses bidon pour un avenir lointain, ou des prétextes pour taxer encore un peu plus les salariés, alors que le projet du gouvernement constitue déjà une attaque de grande ampleur contre tous les salariés et les retraités, c'est vraiment se moquer du monde.

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