Le droit de la rue de faire la loi15/05/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/05/une1815.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le droit de la rue de faire la loi

Raffarin a peut-être parlé trop vite en déclarant que ce n'était pas à la rue de faire la loi. Les manifestations du 13 mai ont constitué une première réponse à son arrogance.

Mais qui fait la loi? Une majorité? Même si on en restait au plan formel, c'est faux. Ainsi l'UMP, le parti majoritaire avec 369 députés, dispose à lui seul de la majorité absolue à l'Assemblée nationale, mais n'a recueilli que 33% des suffrages exprimés au premier tour des élections législatives de l'an passé et seulement 20% si on calcul par rapport aux inscrits. Ne parlons pas de tous ceux, surtout dans le monde du travail, qui sont exclus du vote, parce qu'on leur refuse ce droit. C'est donc cette minorité, qui n'est élue que par 8 millions d'électeurs, moins que le nombre de grévistes du 13 mai, qui prétend parler et décider au "nom de tous les Français". C'est une première imposture. Mais pas la plus grande.

Il en existe une autre. Ce gouvernement, comme son prédécesseur, mais avec plus de sans-gêne, fait le matamore, laissant entendre que la rue ne représenterait que des intérêts particuliers, corporatistes et minoritaires. L'affirmation est contestable si on en juge par le nombre de personnes qui manifestaient dans la rue le 13 mai et qui n'étaient que la partie visible d'une protestation bien plus large du monde du travail. Elle l'est d'autant plus qu'elle vient de gens qui s'inclinent en permanence devant une minorité, infime, non élue. Cette minorité est représentée par les Michelin, Dassault, le baron Seillière et quelques autres. Ces gens-là n'ont pas besoin de la rue pour se faire entendre. Car ils ont leurs entrées à l'Elysée et à Matignon.

On n'a pas oublié la façon dont ce même Raffarin, qui apostrophe avec arrogance les manifestants et les grévistes, se mettait à plat ventre devant Seillière, lors de l'assemblée générale du Medef. Ce dernier reprochait au gouvernement de ne pas aller assez vite en besogne dans la démolition des systèmes de retraite. Et Raffarin avait répondu qu'il avait entendu le message et qu'il allait accélérer le mouvement. C'est d'ailleurs ce qu'il fait en ce moment.

Comme le criaient les manifestants du 13 mai, la rue a le droit de se faire entendre. Elle doit et peut faire la loi, sans avoir à subir la loi d'une minorité de politiciens, élus il y un an et pour quatre ans encore, qui sont en fait aux ordres d'une minorité bien plus restreinte: le patronat. La "rue" dont Raffarin parle avec mépris, comme les seigneurs parlaient dans le passé de la populace, a su se faire entendre. Raffarin devrait s'informer auprès de son collègue Juppé.

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