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- Lutte ouvrière n°1815
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Editorial
Après le 13 mai : Tous ensemble, forcer chirac et raffarin à remballer leurs projets
Les appels à la grève et à la manifestation lancés pour le mardi 13 mai ont été suivis massivement. Dans toutes les villes du pays, des manifestations nombreuses et combatives ont parcouru les rues. Les grèves ont été massives dans les transports, dans l'enseignement et toute la Fonction publique, mais aussi dans de très nombreuses entreprises privées, où l'activité s'est arrêtée, montrant que les tentatives du gouvernement de diviser salariés du secteur public et du secteur privé ont fait long feu.
Le Premier ministre, Raffarin, a déclaré que ce qu'il appelle "la réforme" des retraites passera de toute façon, et que "ce n'est pas la rue qui gouverne". Mais Chirac, Raffarin et Fillon ne gouvernent pas plus: ils obéissent au MEDEF. Derrière toutes les arguties développées sur la nécessité d'augmenter les années de cotisation et d'élever l'âge de la retraite, il n'y a rien d'autre que la volonté du patronat de payer toujours moins, que ce soit pour les salaires ou pour les retraites, que ce soit directement, pour ceux du secteur privé, ou indirectement pour ceux du secteur public.
Si on laisse faire, ce seront bientôt tous les travailleurs qui devront avoir travaillé au moins quarante et un ou quarante-deux ans pour pouvoir partir à la retraite avec une pension complète. Il faudra cotiser plus, et plus longtemps, pour toucher moins, d'autant que les patrons continueront en fait à se débarrasser des travailleurs ayant dépassé la cinquantaine, avec toutes les conséquences qui en découlent quant au nombre d'annuités et au montant de la retraite.
Tout cela signifie un abaissement programmé du niveau de vie des retraités, d'autant plus choquant qu'en dépit du chômage on produit chaque année plus de richesses, parce que la productivité du travail ne cesse d'augmenter. Cela n'est pas seulement le fruit du progrès technique. C'est aussi le produit des surcharges de travail dues aux suppressions d'emplois, des cadences infernales et des horaires déments que subissent d'innombrables travailleurs. Ce sont les salariés qui en font les frais. C'est le grand patronat, ce sont les possesseurs de capitaux, qui empochent les bénéfices. Mais pour Chirac et Raffarin, il n'est pas question de prendre sur les profits de ces gens-là pour maintenir le niveau des retraites, même pas d'augmenter le taux des cotisations patronales.
Que pour le gouvernement ce soit aux seuls salariés de payer, Raffarin l'a dit très clairement à la télévision: "On doit faire des économies, parce qu'il faut financer la baisse des charges, la baisse des impôts". La baisse des charges sociales, c'est-à-dire des cotisations patronales pour la Sécurité sociale ou les retraites, c'est un cadeau au patronat, au détriment des droits des travailleurs. La baisse des impôts, c'est surtout les hauts revenus, les riches, qui en bénéficient. Ce serait, nous dit-on, pour favoriser la création d'emplois. Mais cela aussi c'est un mensonge éhonté. Cela fait trente ans, depuis que le chômage s'est développé, que l'on nous sert le même discours. Mais les subventions, les baisses de charges, le patronat les empoche, et il n'embauche que quand cela lui rapporte.
C'est maintenant qu'il faut donner un coup d'arrêt à l'offensive lancée par le gouvernement et le patronat, et c'est tous ensemble, car elle vise tout le monde du travail. Elle vise les travailleurs du secteur privé comme ceux du secteur public. Elle vise aussi tout autant les travailleurs bénéficiant d'un régime de retraite spécial, comme les cheminots ou l'EDF, même si le gouvernement de Chirac-Raffarin a préféré dissocier leur cas. Il tente ainsi de diviser, mais c'est pour mieux s'en prendre à ces travailleurs plus tard quand il aura réussi à les isoler et à les présenter comme des "privilégiés". Eux aussi doivent réagir dès maintenant, avec tous les autres, comme beaucoup l'ont fait en participant aux manifestations du 13 mai, voire en poursuivant le mouvement au lendemain de celles-ci.
Il ne suffira évidemment pas d'une seule journée d'action pour faire reculer Chirac et Raffarin. Les directions syndicales ont beau parler "d'épreuve de force", elles ne sont pas forcément déterminées à faire reculer le gouvernement. Celui-ci compte se servir de cette situation, en faisant semblant d'accepter de discuter avec les syndicats, pour faire passer malgré tout ses mesures, et cela dans les jours qui viennent.
Alors c'est dans les jours qui viennent qu'il faut aussi contraindre le gouvernement et le patronat à ravaler leur sale projet, et cela est possible. Avec le succès de la journée du 13 mai, les travailleurs ont pu mesurer leur nombre et la force qu'ils représentent dans le pays. Maintenant il faut développer partout la mobilisation, les manifestations, les grèves, et cette force peut alors faire suffisamment peur au gouvernement pour le faire reculer.
La journée réussie du 13 mai est un encouragement pour tous ceux qui veulent développer la lutte. Elle peut être le point de départ d'un véritable mouvement d'ensemble des travailleurs. "Tous ensemble, tous ensemble, grève", disait le slogan du mouvement de novembre-décembre 1995 qui avait obligé le gouvernement Juppé à retirer son plan. Il faut obliger de la même façon Chirac, Raffarin, et derrière eux le patronat, à remballer toutes leurs attaques.