L'Afrique s'enfonce dans la famine, la misère et la maladie08/05/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/05/une1814.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

L'Afrique s'enfonce dans la famine, la misère et la maladie

Les 1er, 2 et 3 juin prochain se tiendra à Evian le nouveau sommet du G8 (les États les plus riches de la planète) qui prétend mettre à son ordre du jour un "engagement concret en faveur de l'Afrique". Il y sera également question de l'accès à l'eau et de rien moins que la "gouvernance mondiale". N'en doutons pas, c'est certainement sur ce dernier point que les "grands" de ce monde seront le plus... concrets.

Ce sommet, comme bien d'autres avant lui, ne sera sans doute pas avare de belles paroles et peut-être même de belles promesses, qui iront ensuite se perdre dans les sables. Car si les grandes puissances interviennent en Afrique, c'est essentiellement pour y préserver les intérêts des groupes industriels et financiers qui y opèrent. Quelque temps avant le déclenchement de la guerre contre l'Irak, on avait vu les représentants des États-Unis et de la Grande-Bretagne, d'un côté, et ceux de la France, de l'autre, se disputer les voix de trois des membres non permanents du Conseil de Sécurité, l'Angola, le Cameroun et la Guinée. Les représentants de ces trois grandes puissances ne convoitaient pas seulement les votes de ces trois États qui bordent le golfe de Guinée: étaient également en cause les ressources en pétrole de ce même golfe, qui fournit déjà actuellement 15% de la consommation des États-Unis et qui a fait aussi la fortune d'Elf. Pour le reste, c'est-à-dire l'essentiel, le sort des populations, ils s'en lavent les mains.

Le résultat est que le continent africain, qu'on disait déjà "mal parti" il y a cinquante ans, n'a cessé depuis de s'enfoncer dans la famine, la misère et les maladies. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la maladie la plus grave et la plus répandue sur le continent africain serait "Z59.5". Ce numéro de nomenclature dissimule en effet une "maladie" particulière: la... pauvreté extrême qui frappe plus d'un milliard d'individus sur cette planète.

C'est l'Afrique subsaharienne qui connaît le plus fort pourcentage de pauvres, et aussi sa plus forte croissance. Dix-sept pays de cette région du monde sont désormais en situation dite d'urgence alimentaire. A la racine, il y a différentes causes: des conflits locaux qui engendrent des déplacements de populations (l'Afrique est le continent qui compte le plus grand nombre de réfugiés dans le monde), mais aussi de brusques changements climatiques qui n'arrangent rien. Mais pèse surtout, et depuis longtemps, le sous-développement qu'a engendré le système colonialiste, dont ce continent ne s'est jamais relevé.

La faiblesse des stocks de nourriture existants se combine avec la flambée des prix. Résultat: selon une statistique portant sur 47 pays africains, quatre seulement parviennent par eux-mêmes à subvenir à leurs besoins alimentaires. Pour les autres, la situation ne cesse de se dégrader. Au cours des vingt dernières années, la ration calorique moyenne a progressé de 18% dans les pays développés. En Afrique, elle a baissé de 5%.

En conséquence, l'espérance de vie en Afrique subsaharienne est la plus basse du monde: autour de 50 ans. De même, les taux de mortalité infantile ou l'espérance de vie y sont les plus mauvais. Pour une population d'environ 650 millions d'Africains, la mortalité infantile varie, selon les pays, entre 45 et 165 pour mille, soit une moyenne un peu supérieure à 10%. Les enfants, mal nourris, manquant notamment de vitamines, sont exposés à des maladies qui sont bénignes dans les pays développés mais qui, en Afrique, deviennent des épidémies mortelles: rougeoles, diarrhées (800000 morts par an), bronchites (1,5 million de morts par an). Ce qui tue un jeune Africain de moins de 5 ans, c'est autant l'absence d'antibiotiques que le manque d'eau potable, de lait, de riz...

Quant aux adultes, ils doivent affronter des maladies plus graves. Sur 42 millions de personnes dans le monde vivant avec le SIDA, 30 millions sont des Africains. Sur les cinq millions de nouveaux contaminés de 2002, trois millions et demi étaient des Africains. Dans certains pays d'Afrique australe, 30 à 40% de la population sont contaminés.

L'Afrique est aussi le continent le plus touché par le paludisme (90% des cas, dont le chiffre varie d'une année à l'autre entre 250 et 400 millions de cas): un million d'enfants africains en meurent chaque année, soit un toutes les trente secondes. Il y a également la maladie du sommeil, qui tue par milliers et se développe d'autant plus vite que les systèmes de santé sont précaires. Elle n'intéresse cependant pas les grands laboratoires pharmaceutiques: les populations africaines ne sont pas solvables. C'est ainsi que seulement 10% des crédits affectés à la recherche médicale sont consacrés aux maladies qui représentent pourtant 90% des maladies mondiales.

Face à une telle situation, les pays riches qui disposent des moyens en nourriture, en médicaments, des moyens logistiques -qu'ils peuvent déployer quand ils décident d'imposer leur loi, comme ils l'ont fait ensemble pendant la première guerre du Golfe, ou comme viennent de le faire les États-Unis et la Grande-Bretagne en Irak- pourraient amener, en urgence, sur tout le continent africain, tout ce qui lui fait défaut. Mais ceux qui décident du sort de la planète, à Washington, Londres, Paris, Berlin ou Tokyo, n'en ont pas la volonté politique -ils réservent celle-ci au pillage des richesses de l'Afrique- et abandonnent les tâches qu'ils jugent subalternes à des organisations humanitaires submergées par l'ampleur de la tâche.

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