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Israël-Palestine : Une "feuille de route" pour aller où?
Il est des plus symboliques qu'au lendemain de la publication de la "feuille de route" concoctée par le "Quartette", c'est-à-dire les États-Unis, l'Union européenne, la Russie et l'ONU, l'armée israélienne se soit lancée dans une violente opération militaire, principalement dans la bande de Gaza, assassinant quinze Palestiniens, dont un enfant de deux ans. Cette nouvelle incursion de l'armée a été très mollement présentée comme ayant été commise en représailles à un attentat-suicide perpétré en Israël même. Il ne pouvait en être autrement, puisque l'attentat a été commis par deux Britanniques d'origine palestinienne, qui n'avaient aucun lien avec un quelconque mouvement palestinien.
La "feuille de route" est censée définir les étapes devant aboutir d'ici 2005 à la création d'un État palestinien. Mais la publication de ce énième prétendu plan de paix, dont les grandes lignes étaient déjà connues depuis plusieurs mois, n'apporte rien de nouveau, si ce n'est le flou des formulations concernant "la création possible d'un État indépendant (palestinien) aux frontières provisoires, en 2003". Autant dire que les pressions que le Quartette, États-Unis en tête, exercera sur Israël ne dépasseront certainement pas ce "possible" et ce "provisoire".
Sharon le sait d'ailleurs fort bien, qui martèle sans relâche ses exigences et en particulier son hostilité à être tenu par un calendrier et par une date butoir. Contrairement aux instances de son parti, le Likoud, Sharon ne se dit pas opposé à la création d'un État palestinien. Il a d'ailleurs évoqué cette éventualité en décembre 2002, en décrivant un État palestinien, aux frontières temporaires, et fondé sur d'anciennes zones prévues par les accord d'Oslo, diminué cependant par les nouvelles zones de sécurité tracées par l'armée israélienne ou les colons.
Les territoires envisagés pour cet éventuel État palestinien équivalent à environ la moitié de la Cisjordanie et aux deux tiers de la bande de Gaza. En Cisjordanie, ces zones fort morcelées devraient être reliées par tout un système de ponts et de tunnels, mais il n'existerait aucune continuité territoriale entre Gaza et la Cisjordanie. Autant dire qu'aucun Palestinien ne peut accepter un État aussi limité, éclaté, disjoint, et que c'est leur faire injure que de seulement l'envisager.
Seulement, il n'est même pas dit que la "feuille de route" envisage un État palestinien plus viable, tant les formulations qu'elle contient sont floues et restreintes, se limitant en fait au retrait "des zones palestiniennes occupées depuis septembre 2000" et au "démantèlement de tous les points de colonisation construits après mars 2001"; cela en principe seulement dans un premier temps. Mais celui-ci, de provisoire, pourrait bien s'avérer être définitif.
La "feuille de route" ne contient donc pas une volonté bien différente des vagues concessions que Sharon se dit prêt à faire. Mais, pour piètres qu'elles soient, ces concessions suscitent une levée de boucliers en Israël même de la part de l'extrême droite, en particulier religieuse, dont un des représentants, Beny Elon, ministre du Tourisme et membre par ailleurs du Parti National Religieux, s'est rendu aux États-Unis pour discuter avec diverses personnalités américaines "de la feuille de route et du danger que constituerait pour Israël la création d'un État palestinien à l'ouest du Jourdain". Elon, comme bien d'autres ministres du gouvernement, est partisan déclaré de la déportation des Palestiniens sur la rive orientale du Jourdain, c'est-à-dire en Jordanie.
Ces quelques tensions internes au gouvernement israélien peuvent à terme amener à un remaniement et à une éventuelle collaboration avec le Parti Travailliste. Mitzna, le porte-parole de ce parti, qui se disait hostile à une telle éventualité, vient de démissionner et les principaux dirigeants travaillistes restants, en particulier Shimon Pérès, y sont plutôt favorables. On reviendrait alors à la situation voulue par Sharon au lendemain des dernières élections: créer, ou plus exactement maintenir avec les travaillistes un gouvernement d'union nationale.
Si tel devait être le proche avenir, la situation ne serait pas meilleure pour les Palestiniens, puisqu'ils auraient alors face à eux les deux principaux partis, ceux de la gauche et de la droite gouvernementales, qui depuis des décennies participent à tour de rôle ou ensemble à leur spoliation.