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Tribune de la minorité
Calculs du gouvernement, tactique syndicale et réponse des travailleurs
La mobilisation des personnels de l'enseignement sera-t-elle le prélude à un vaste mouvement d'ensemble interprofessionnel contre l'offensive gouvernementale et patronale?
Raffarin le redoute. Mais à défaut d'empêcher toute expression de mécontentement -ce qu'il sait parfaitement impossible- il est à la recherche de la meilleure tactique susceptible de lui éviter un nouveau novembre-décembre 95.
Même si jusqu'à présent la montée des mécontentements ne progresse que lentement, le climat social se réchauffe incontestablement. Les précédentes journées d'action auxquelles les syndicats avaient appelé le 1er février puis le 3 avril, en témoignaient déjà. Avec des cortèges deux fois plus importants que ceux d'il y a deux ans, la dernière manifestation du 1E mai, en dépit du pont et de l'ambiance de congés dans la période, traduit la persistance d'une certaine mobilisation.
Les syndicats ont contribué par l'appel à des journées d'action à faire monter la température. Ils ne visent pourtant pas à empêcher la prétendue réforme -à part les dirigeants de FO quasiment tous le disent d'ailleurs sans ambages-, mais souhaitent l'accompagner à condition d'en négocier les détails. Le gouvernement joue dans certaines limites leur jeu. Il essaye à sa façon, quitte à forcer la note dans un premier temps, de faire illusion sur la possibilité d'éventuelles concessions moyennant encore quelques séances de "tapis vert".
Ainsi Raffarin, disent les médias, pourrait ne pas en rester aux annonces de Fillon et aller quelque peu au-delà de la garantie de 75% de revenus pour la retraite des smicards quand les syndicats demandent 100%; ou il pourrait étendre à 16 ou 17 ans au lieu de 14 ou 15 ans la possibilité de partir avant 60 ans pour ceux ayant commencé à travailler jeunes; ou encore intégrer certaines primes pour le calcul des pensions des fonctionnaires... Des syndicats comme la CFDT ou la CFTC pourraient alors considérer avoir obtenu leur "grain à moudre". Bien qu'il n'y ait qu'un front syndical branlant, sa rupture pourrait affaiblir le mouvement... Du moins telles sont les espérances de Raffarin et Fillon. Si leur tactique portait ses fruits, elle mènerait relativement tranquillement aux vacances, période de choix pour faire passer le projet sur les retraites au Parlement. Rien ne prouve cependant que les travailleurs vont s'accommoder d'un tel scénario. Les dirigeants syndicaux en ont aussi d'autres en réserve pour le cas où...
Interrogé par les journalistes lors de la manifestation à Paris du 1er mai, Bernard Thibault de la CGT a déclaré: "Le gouvernement doit accepter de rediscuter sur d'autres bases que celles déjà présentées... A partir du moment où une véritable négociation s'ouvre, on peut boucler une réforme en trois ou quatre mois ". Une offre de service pour gagner du temps, ça peut toujours servir!
"Dans cette hypothèse, la CGT pourrait renoncer à la manifestation qu'elle propose à la fin du mois "commente Le Figaro du 2 mai, rapportant qu'aux côtés de Thibault dans la manifestation "François Chérèque se félicite de cette ouverture (...) ce qui permettrait à la confédération de faire l'économie d'une manifestation supplémentaire." Le 25 mai -restant jusque-là la seule "suite" au 13 mai proposée par la CGT- n'est pourtant qu'une promenade dominicale qui soulève au sein même de la CGT, de virulentes réactions de rejet de nombre de militants, tant elle apparaît pour ce qu'elle est: un dérisoire baroud d'honneur.
Au niveau des fédérations, le ton est légèrement au-dessus. Dans l'enseignement l'éventualité de "grève reconductible" après le 6 mai est brandi par la FSU depuis déjà plusieurs semaines. Si à la SNCF, FO et Sud discutent également de grève reconductible à partir du 14 mai, la CGT ne s'est, elle, pas précipitée pour se prononcer. La FGAAC (syndicat corporatiste des conducteurs), devrait en revanche se déclarer pour une "grève reconductible" au lendemain de la journée d'action... pour s'opposer au "projet de modernisation de la traction". Par ailleurs les fédérations CGT, FO et CFDT de l'Equipement et des Transports ont appelé mardi 29 avril à "une manifestation nationale massive à Paris"... le 17 juin (oui juin!)
En annonçant quelques journées d'actions, ou encore en tentant une diversion sur le terrain corporatiste, les appareils se positionnent dans le but de conserver la maîtrise des événements tout en oeuvrant à repousser les échéances. Ils préparent le mouvement à faire long feu mais ne veulent surtout pas d'une explosion sociale, seule susceptible pourtant de faire capoter les tentatives du gouvernement.
Heureusement, rien ne garantit que la combativité des travailleurs ne déjouera pas leurs calculs et ne contraindra pas le gouvernement à rengainer son offensive.
Louis GUILBERT
Convergences Révolutionnaires n° 26 (mars-avril 2003), bimestriel édité par la Fraction
Un dossier sur les États-Unis en guerre contre l'Irak, contre les peuples, contre leur peuple.
Des articles : la politique de l'impérialisme français au Moyen-Orient et en Côte-d'Ivoire; les enjeux du congrès CGT; la recrudescence du chômage; les suppressions d'emplois à la SNCF, dans l'Éducation nationale et à Arcelor.
Pour se procurer ce numéro, 1,5 v, ou s'abonner (1 an: 9 v, de soutien: 15 v) écrire à:LO, pour la Fraction, BP 233 - 75865 Paris Cedex 18 ouLes Amis de convergences, BP 128 - 75921 Paris Cedex 19Sur le Net: http://www.convergencesrevolutionnaires.org