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Leur société
Retraites dévalorisées
La législation sur les retraites ne se distingue pas par sa simplicité: tout est fait pour que règne l'opacité la plus totale et que l'on y perde son latin. C'est ainsi que des mesures d'apparence technique et peu spectaculaires peuvent en réalité receler des effets dévastateurs.
Ce fut le cas lors des réformes de Balladur, en 1993, concernant le secteur privé. Des trois volets de ces réformes, les plus frappants étaient le passage de 37,5 à 40 annuités pour une retraite à taux plein et la prise en compte des 25 meilleures années pour le calcul des pensions (au lieu des dix meilleures).
Mais les conséquences les plus redoutables des réformes Balladur pour le niveau des retraites provenaient en fait de la troisième mesure: le calcul de l'indice de la revalorisation des retraites en fonction de l'indice des prix, et non plus de celui des salaires.
Cela signifie en clair que lorsqu'un salarié part en retraite, on dresse pour calculer sa pension l'inventaire de ses 25 meilleures années de salaire. Sauf que les 100000 F perçus il y a vingt ans, par exemple, doivent évidemment être revalorisés du fait de l'inflation. Toute l'astuce a consisté à changer l'indice permettant de calculer la valeur actuelle des salaires du passé, pour diminuer cette valeur... et donc le montant de la pension. Et c'est là que l'écart, apparemment minime, entre l'évolution de l'indice des prix et celui des salaires, conduit à force d'être cumulé à une réduction très importante du montant des retraites.
D'après le Conseil d'orientation des retraites, organisme officiel, ce changement d'indice est à lui seul responsable des deux tiers de la perte subie par les nouveaux retraités du fait des réformes Balladur. C'est deux fois plus que l'allongement de la durée de cotisation et que le passage aux 25 meilleures années réunis!
Évidemment Balladur a repris aussi ce qui avait été appliqué en douce depuis 1983 par les gouvernements socialistes et officialisé une première fois en 1987 par Seguin: l'indexation des pensions de retraite elles-mêmes, également sur les prix au lieu des salaires.
Là où la mesure de 1993 conduisait à la diminution de la pension des salariés partant en retraite (la baisse du "taux de remplacement"), celle de 1987 concernait tous les retraités. Elle avait comme résultat de bloquer le pouvoir d'achat des pensions: dorénavant, quand on part en retraite avec une certaine somme mensuelle, on est limité à cette somme pour toute la vie, en tenant compte de la hausse des prix, mais pas des progrès de la productivité. En fait, ce blocage du pouvoir d'achat des retraites revient à une diminution, car on peut avoir de sérieux doutes sur l'indice officiel des prix. De plus, tout cela ne prend pas en compte les augmentations d'impôts comme la CSG, qui viennent de toutes manières amputer les pensions.
Jusqu'à présent, les fonctionnaires échappaient à ces deux règles: leur pension est calculée sur la base du salaire des six derniers mois, et n'est donc pas l'objet d'un calcul d'actualisation. De plus, les pensions des retraités sont automatiquement revalorisées avec les salaires des fonctionnaires en activité. Mais là aussi le gouvernement vise l'alignement par le bas avec le secteur privé, puisque son plan prévoit, comme l'a annoncé Fillon le 24 avril: l'allongement de la durée de contribution de 37,5 années à 40 ans en 2008; l'augmentation des cotisations qui passeraient de 7,85% du salaire à 10,35%; enfin le calcul des pensions sur les trois dernières années (au lieu des six derniers mois) et la revalorisation des pensions limitée aux hausses générales des salaires de la fonction publique sans tenir compte des revalorisations indiciaires: ce qui là aussi revient à les calculer en fonction de la seule hausse des prix officielle.