Médicaments : La potion amère de raffarin30/04/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/05/une1813.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Médicaments : La potion amère de raffarin

Le gouvernement a fait connaître discrètement, en profitant du week-end de Pâques, qu'il avait décidé de ne plus rembourser qu'à 35%, au lieu de 65%, plus de 600 médicaments, tels le Voltarène (un anti-inflammatoire) ou le Zovirax (utilisé contre l'herpès). Il est également prévu que, en juillet, 650 autres médicaments ne seraient, eux, purement et simplement plus remboursés du tout.

Au fil des années on a vu ainsi apparaître la catégorie des "médicaments de confort", jugés indignes d'être remboursés (comme si le fait d'être soulagé devait être réservé aux plus riches), puis la liste des produits à "service médical rendu insuffisant", concoctée à la demande du gouvernement de Lionel Jospin (ceux qui sont promis à un prochain déremboursement, sans pour autant être retirés du marché, ce qui est parfaitement inconséquent, car de deux choses l'une, ou ces médicaments ont une certaine efficacité, et il faut les rembourser, ou ils n'en ont aucune, et continuer à autoriser leur vente relève de la complicité d'escroquerie).

Mais dans le cas de la plupart des produits dont le taux de remboursement vient d'être brutalement rabaissé, personne (en dehors de quelques journalistes particulièrement ignares, ou aux ordres) ne peut mettre en cause l'insuffisance du "service médical rendu". Ce sont des molécules dont aucun médecin ne discute l'efficacité, et leur seul tort est manifestement d'être très largement prescrits.

Le comble est qu'on peut s'interroger sur la réalité des économies que va ainsi réaliser la Sécurité sociale. Car si certains anti-inflammatoires vont être moins remboursés, d'autres, beaucoup plus chers et pas forcément plus efficaces, continueront à être remboursés à 65%. Et évidemment une partie des prescriptions médicales va se reporter sur ces produits plus chers, mais mieux remboursés. Cela explique d'ailleurs que les gros laboratoires pharmaceutiques n'ont pas trop protesté contre cette mesure, car ce ne sont pas eux qui paieront la note, mais les assurés sociaux.

Mais une autre conséquence de ces mesures va être le développement de l'auto-médication: combien de patients, surtout parmi les plus démunis, ceux qui ne bénéficient même pas d'une mutuelle, seront tentés d'éviter les frais d'une consultation médicale, et iront chercher directement à la pharmacie le produit qui leur paraîtra le mieux répondre à leur cas, avec tous les risques que cela comporte d'erreur, ou de passer à côté d'un diagnostic appelant un tout autre traitement, que cela comporte.

Et qu'on cesse de nous dire qu'il faut bien faire des économies parce que les Français consomment trop de médicaments. Car si la Sécurité sociale connaît des problèmes de financement, c'est d'abord à cause du chômage et de la stagnation des salaires qui ont diminué ses rentrées, et à cause de tous les cadeaux faits au patronat sous forme de dégrèvements de charges sociales.

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