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L'humour au rendez-vous
Pourquoi le personnel de l'Éducation nationale est-il, toutes catégories confondues, décidé à faire reculer le gouvernement sur les projets de décentralisation? C'est compliqué? Oui et non. En fait il suffit peut-être de lire le texte du tract suivant qui a pu être adapté, à quelques changements mineurs près, aux divers établissements pour comprendre comment la vie scolaire pourrait tourner au cauchemar si la réforme était appliquée!
La journée de Paul, élève de première en 2004-2005
8 heures: Paul arrive à la grille d'entrée du lycée. Il est attendu par un vigile, qui travaillait l'an passé chez Carrefour. Surprise! C'est son voisin de palier. Il a été engagé comme assistant d'éducation par le proviseur en septembre.
8 heures 05: la salle de cours n'a toujours pas été nettoyée parce que les agents de service, qui sont désormais employés par le Conseil général, ont été réquisitionnés pour préparer la salle de réception de la préfecture.
9 heures 05: dans le bâtiment scientifique, il n'y a plus de chauffage depuis 15 jours: l'entreprise "Chauffmarcel" a augmenté ses tarifs et l'établissement ne peut plus financer l'entretien de la chaudière.
10 heures 10: toujours pas de prof en espagnol: la vacataire qui avait commencé l'année est partie, parce qu'on ne lui proposait pas assez d'heures de cours pour obtenir un salaire décent. En plus, Paul a des difficultés en espagnol: il voulait conserver le portugais en deuxième langue vivante, mais il n'y en a plus au lycée.
11 heures 05: Paul découvre son quatrième enseignant de maths de l'année. Le troisième vacataire a dû partir, parce qu'il avait fait ses 200 heures.
12 heures 05: en cours d'histoire-géographie, il re-scotche le vieux manuel (de l'ancien programme), tout en pensant avec envie à son cousin Jacques qui habite à Argenteuil, et qui, lui, dispose d'un cartable électronique. Cela dit, ça l'occupe, le prof a 66 ans, il n'est plus tellement dynamique, mais il doit continuer à travailler s'il veut une retraite complète.
13 heures 05: à la cantine, le steak est encore froid, les plateaux-repas sont livrés congelés par l'entreprise "Cépabon", et le micro-ondes commence à fatiguer. Cela consolera ses amis qui mangent un sandwich dans la cour parce que, sans fonds social, leurs parents ne peuvent pas financer la cantine.
15 heures 30: en sortant de cours, il se rend au Centre communal d'action sociale, à l'autre bout de la ville: il veut s'entretenir avec l'assistante sociale pour demander une aide financière. En attendant, il s'est décidé à travailler au fast-food "Salbouf" pour soutenir sa famille. Sa mère, ancien agent d'entretien au collège De Geyter, a une retraite de misère (moins de 600 euros par mois). Elle a pourtant travaillé 35 ans; le problème, c'est qu'il faut cotiser 40 ans. En s'arrêtant, elle a vu ses revenus diminuer de 44%! ! Au début, Paul pensait même que la caisse de retraite s'était trompée...
17 heures 30: il prend rendez-vous pour aller au CIO. Ce n'est pas possible avant le prochain trimestre: le conseiller d'orientation psychologue est accaparé par la formation continue du département. Paul voudrait faire une école d'art, mais les brochures sur l'orientation ne parlent que de BTP et de stages chez "Toubéton", la grosse entreprise de la région qui sponsorise déjà les ateliers du bâtiment technique.
Ce scénario catastrophe ressemble pourtant à ce qui nous attend si nous n'arrivons pas à empêcher la mise en place des mesures programmées par le gouvernement actuel sur les retraites, la décentralisation de l'Éducation nationale et le statut des surveillants et des aides-éducateurs. C'est pourquoi une partie du personnel du lycée a décidé depuis le mois de mars de s'engager dans un mouvement de protestation.