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Dans le monde
Allemagne : Les attaques du gouvernement schröder
C'est à la mi-mars que le chancelier social-démocrate allemand Gerhard Schröder a révélé devant le Bundestag ses objectifs sur le plan économique et social pour la période à venir. Son discours a été prononcé quelques jours après avoir décidé d'enterrer le "pacte pour l'emploi". Cette formule désignait une table-ronde réunissant, sous la houlette du gouvernement, patronat et syndicats, qui devait être le laboratoire des réformes que la bourgeoisie estimait nécessaires pour rendre l'Allemagne (c'est-à-dire ses profits) plus "performante". Mais en réalité ces rencontres, qui se sont poursuivies pendant plusieurs années n'ont donné aucun résultat, le patronat n'étant pas prêt à lâcher quelque contrepartie que ce soit aux dirigeants syndicaux.
C'est donc Schröder lui-même qui a dû monter directement au créneau. Baptisé "Agenda 2010", son programme repose sur deux volets. D'un côté, il prévoit de nouvelles aides aux entreprises et une baisse des impôts pour les tranches supérieures. Ce qui permettra aux riches, d'après le syndicat Verdi, une des plus grosses fédérations de la centrale allemande DGB, d'économiser 6 milliards d'euros supplémentaires par an.
De l'autre côté, il comporte une nouvelle série d'attaques contre le monde du travail:
-réduction drastique des allocations de chômage (de 36 mois aujourd'hui à seulement 18 mois pour les plus de 55 ans et 12 mois pour les plus jeunes);
-assouplissement du droit de licencier, en particulier dans les petites entreprises de moins de 5 employés. Dans les plus importantes, un certain nombre de critères, qui protégeaient les salariés âgés en cas de plan social, sont supprimés;
-baisse des prestations de l'assurance-maladie (cela concerne les remboursements des visites médicales, les médicaments et les arrêts-maladie. À partir de la sixième semaine d'arrêt, il n'y aurait par exemple plus d'indemnisation et les assurés devraient avoir recours à une assurance privée).
Au-delà, d'autres décisions sont à l'étude: plus de révision annuelle des retraites, augmentations des cotisations et élévation de l'âge de départ.
L'ensemble de ces mesures représente donc une véritable déclaration de guerre contre la classe ouvrière. D'autant qu'elles s'ajouteraient à celles qui viennent d'entrer en vigueur début 2003: hausse des impôts, hausses des cotisations d'assurance-maladie et attaques contre les chômeurs, encouragement des petits boulots sous-payés et du travail intérimaire.
Dans un contexte où, par ailleurs, le nombre de chômeurs ne cesse d'augmenter (il n'est plus loin d'atteindre la barre des 5 millions), et touche donc de très nombreuses familles ouvrières, cela ne fait que renforcer le mécontentement populaire. Celui-ci s'est déjà manifesté dans les urnes: lors des élections régionales qui ont eu lieu en février, le Parti Social-Démocrate (SPD) a fortement reculé: de 14,5 points en Basse-Saxe et de 10,3 en Hesse!
C'est ce qui inquiète bon nombre d'élus de ce parti qui craignent que le recul ne s'amplifie à l'avenir. Car si Schröder a montré qu'il est prêt à répondre à toutes les attentes de la bourgeoisie et, pour cela, à user entièrement son crédit, ce n'est pas forcément le cas pour tous les notables locaux, qui tiennent à leurs sinécures.
C'est sans doute pour cela que les déclarations de Schröder ont provoqué une certaine effervescence au sein de son parti. Douze députés du SPD, proches de l'ancien ministre de l'Économie Oskar Lafontaine, ont en effet appelé les adhérents du parti à se prononcer par référendum sur les projets de réforme en cours, lors d'un congrès extraordinaire qui doit avoir lieu le 1er juin. Dans un manifeste intitulé "Nous sommes le parti", ils attaquent l'Agenda 2010 qui, selon eux, porterait atteinte à "l'État social" allemand, sur lequel a reposé la paix sociale outre-Rhin depuis des décennies.
Leurs propositions ne vont pas loin: ils réclament la création d'emplois et, par exemple, que le gouvernement redonne de l'argent aux communes pour qu'elles embauchent du personnel. Mais on ne les a jamais vus intervenir, ni au niveau local ni au niveau national, pour empêcher que des coupes claires soient effectuées dans les budgets sociaux des communes ou que des services assurés par les municipalités soient privatisés. En particulier dans les villes gérées par le SPD.
Alors, pour se défendre, les travailleurs n'ont pas grand-chose à attendre des soubresauts qui agitent le Parti Social-Démocrate.
De leur côté les dirigeants syndicaux affichent aussi un certain mécontentement, reflet des protestations qui se sont fait entendre dans bien des entreprises et sections syndicales. Mais le président de la DGB, proche du SPD, a estimé qu'il était encore trop tôt pour organiser une réaction et qu'il fallait d'abord essayer de peser au Parlement. De son côté, Verdi, en tant que syndicat des services, a appelé à une manifestation nationale pour le samedi 17 mai à Berlin. Mais elle est limitée aux travailleurs de la Santé et du secteur social. Quant au syndicat de la métallurgie, IG Metall, il prévoit une manifestation régionale à Stuttgart le 21 mai. Et il a déjà annoncé une seconde initiative pour la mi-juillet! En attendant il fait circuler une pétition contre les projets gouvernementaux. Ces initiatives demeurent donc timorées et bien loin de constituer les étapes nécessaires à une mobilisation d'ensemble du monde du travail.
Car ce serait bien la réponse que mériteraient les projets antiouvriers du gouvernement du SPD et des Verts. Il est probable que la bureaucratie syndicale cherche avant tout à obtenir des corrections cosmétiques au plan de Schröder, ce qui lui permettrait de sauver la face. Mais, pour les travailleurs, ce qui comptera sera de faire entendre leur colère, par tous les moyens possibles, dans les entreprises et dans la rue, en se saisissant des initiatives organisées par les directions syndicales, aussi limitées soient-elles. Plus ils seront nombreux à le faire, et plus cela peut contribuer à renforcer dans l'ensemble de la classe ouvrière, la conscience de son nombre et de sa force et sa détermination à faire reculer le gouvernement.