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- Lutte ouvrière n°1812
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Editorial
Ne laissons pas Chirac, Raffarin et Seillière toucher aux retraites des travailleurs
Jeudi prochain le ministre des Affaires sociales, Fillon, doit présenter à la télévision le plan de "réforme" des systèmes de retraite mis au point par le gouvernement. Mais quand ces gens-là parlent de "réformes", c'est "régression" qu'il faut comprendre, car c'est d'un véritable attentat contre les retraites des travailleurs qu'il s'agit, et pas seulement de ceux de la fonction publique. Le gouvernement Balladur a décidé, il y a dix ans, de prolonger la durée minimum de cotisations pour percevoir une retraite à taux plein de deux ans et demi dans le privé. Aujourd'hui, le tandem Raffarin-Chirac veut, au nom d'une prétendue justice, faire la même chose dans le secteur public (ces gens-là considèrent parfaitement normal, en revanche, que les gros actionnaires accumulent des fortunes scandaleuses sur le dos des travailleurs). Mais en même temps, on commence à nous dire que 40 ans de cotisations, tout compte fait ce ne sera pas assez, et qu'il faudra ensuite encore reculer pour tous l'âge du départ à la retraite en fonction de l'allongement de l'espérance de vie. Le Medef, par la voix du baron Seillière, souhaite que l'âge de la retraite soit porté à 70 ans. Et le gouvernement est tout prêt à agir en ce sens.
Tout cela peut paraître délirant, dans un pays où depuis une vingtaine d'années le nombre de chômeurs n'a jamais été inférieur à deux millions, et où dans le secteur privé l'âge moyen de la cessation d'activité est en fait de 58 ans. Reculer l'âge du départ en retraite ne ferait que transformer des milliers de travailleurs âgés en chômeurs plutôt qu'en retraités, avec la baisse de niveau de vie que cela entraînerait automatiquement pour eux. Mais ce n'est pas cela qui gênera un patronat pour qui le chômage n'est pas une mauvaise chose, puisque la crainte de perdre son emploi pèse sur l'ensemble des travailleurs en activité.
Le montant des retraites, qui a déjà été largement amputé par la réforme des modes de calcul (augmentation du nombre d'années de référence, revalorisation des années passées en fonction de la hausse officielle du coût de la vie et non plus des salaires), risque de diminuer encore fortement. Et par rapport à cela, sans oser employer ouvertement l'expression "fonds de pension" qui a mauvaise presse, le gouvernement parle de plus en plus de la nécessité d'encourager "l'épargne privée", en se gardant bien de dire comment on peut épargner de quoi s'assurer une retraite décente quand on gagne le SMIC ou guère plus, et que ce type de retraite s'adresse donc aux revenus élevés.
Parallèlement à ce plan portant sur les retraites versées par la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse, d'autres menaces se précisent, sur les retraites complémentaires cette fois. L'accord entre confédérations syndicales et patronat permettant aux retraités de moins de 65 ans de toucher leur retraite complémentaire à taux plein expire en octobre prochain, et le Medef s'est clairement opposé à son renouvellement.
Devant cette véritable offensive lancée par le gouvernement et le patronat, il est absolument nécessaire que le monde du travail fasse entendre sa colère et sa détermination. Toutes les confédérations syndicales se sont déclarées d'accord pour engager des actions de protestation, le premier mai et dans les semaines qui suivront, contre les projets de Raffarin. C'est peut-être seulement parce qu'elles ont été traitées par-dessus la jambe, par un gouvernement qui ne s'est même pas donné le mal de faire semblant de négocier avec elles. Mais quelles que soient les motivations des différentes confédérations, il est indispensable que ces actions soient massivement suivies par tous les travailleurs. Car s'il ne suffit évidemment pas d'une manifestation ou de quelques journées d'action pour faire reculer le gouvernement, leur réussite pourra donner confiance dans leur force à l'ensemble des travailleurs, et préparer aux plans des Chirac, Raffarin et Seillière la riposte qu'ils méritent.