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Grande-Bretagne : Les méthodes terroristes de l'armée anglaise en irlande du nord
Au cours du siège de la ville irakienne de Bassora, les généraux britanniques se sont maintes fois vantés de leur capacité à mater la population grâce à leur "expérience" acquise en Irlande du Nord. Or justement, la publication le 17 avril du rapport d'une commission d'enquête vient de jeter un éclairage qui, s'il n'est pas nouveau, n'en est pas moins révélateur sur la nature de cette "expérience".
C'est en 1989 que vit le jour la commission Stevens, du nom du haut fonctionnaire de police qui en fut chargé. Pat Finucane, un avocat connu pour avoir défendu nombre de militants nationalistes devant les tribunaux, avait été assassiné par l'UDA, un groupe de l'extrême droite protestante. Celui-ci avait publié des rapports top-secrets émanant de l'armée anglaise sur les faits et gestes d'individus connus pour leurs sympathies nationalistes, dont Finucane. Qui plus est, peu auparavant, un ministre de Thatcher, Douglas Hogg, avait dénoncé à la Chambre des communes "ces avocats qui sympathisent de façon indécente avec la cause de l'IRA". Aux yeux d'une partie de l'opinion, la collusion entre l'UDA et l'État britannique dans l'assassinat de Finucane ne faisait pas de doute.
C'est pour étouffer le scandale menaçant que Thatcher mit en place la commission Stevens. Dans une certaine mesure, elle y parvint, jusqu'au jour de 1992 où un quotidien britannique révéla que le responsable aux renseignements de l'UDA au moment du meurtre, un certain Brian Nelson, était un agent infiltré de l'armée britannique. Non seulement Nelson avait été au courant des plans de l'UDA contre Finucane, ainsi que son supérieur direct dans l'armée britannique le colonel Gordon Kerr, mais il était le mieux placé pour les avoir inspirés!
Ces révélations relancèrent le scandale et l'enquête. Stevens, pourtant peu suspect d'hostilité envers l'armée, s'entêta face aux coups tordus des gouvernements successifs pour le faire renoncer et malgré l'interdiction qui lui fut faite de publier ses conclusions. Cette interdiction fut confirmée par Blair, en 1998, malgré une injonction en bonne et due forme de l'ONU, alors que, par une sinistre ironie, il lançait au même moment ses bombardiers contre l'Irak dans l'opération "Renard du désert", au nom de la même ONU!
Ce n'est finalement qu'aujourd'hui, quatorze ans après les faits, qu'une version expurgée du rapport Stevens est enfin publiée. Ce n'est pas tout à fait par hasard. Brian Nelson a succombé à la maladie le 11 avril. Or c'était le dernier protagoniste en vie dans cette affaire, en dehors de la hiérarchie politique et militaire, qui se taira. Il n'y a donc plus personne pour en dénouer tous les fils.
Mais, même expurgé, le rapport Stevens révèle à quel point l'armée britannique s'efforça de manipuler l'UDA (et d'autres groupes similaires sans doute), non seulement pour éliminer des militants républicains, mais aussi pour semer la terreur et la haine dans la population, en dirigeant les tirs des gangs de l'UDA contre des gens dont le seul tort était d'être nés dans une famille catholique. A lui seul, Brian Nelson (et avec lui les services spéciaux de l'armée anglaise) aurait été directement responsable de 29 assassinats recensés. Auxquels il faudrait encore ajouter les dizaines d'autres dont il a désigné les cibles, du fait de son rôle au sein de l'UDA.
Cela n'empêche pas Kerr, le chef de Brian Nelson, aujourd'hui général de brigade, de couler des jours paisibles comme attaché militaire à Pékin. Pas plus que cela n'empêche les politiciens, de tous bords d'ailleurs, qui depuis quatorze ans ont tout fait pour empêcher la vérité sur les opérations terroristes de l'armée britannique d'éclater au grand jour, de nier toute responsabilité. A commencer par Blair, lui qui, depuis le 11 novembre 2001, n'a cessé de poser au champion de la "guerre contre le terrorisme" de Bush. On voit pourtant qu'en Irlande du Nord comme à Bagdad, l'impérialisme n'a rien contre l'usage du terrorisme, pourvu que ce soit pour servir ses intérêts contre les peuples.