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- Lutte ouvrière n°1812
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Dans les entreprises
Alstom-Chantiers de l'Atlantique (Saint-Nazaire) : La lutte des travailleurs grecs et portugais a payé!
Jeudi 20 mars, les 25 travailleurs grecs d'Ippokampos, soutenus par la CGT, entraient en grève pour obtenir le paiement de plus de quatre mois d'arriérés de salaires (entre 10000 et 25000 euros chacun). Cette entreprise sous-traitante grecque n'étant plus en mesure d'assurer quoi que ce soit, ils se sont alors retournés contre Alstom, le donneur d'ordres et le bénéficiaire du travail qu'ils effectuent à bord des paquebots aux Chantiers de Saint-Nazaire (cf. LO no 1809).
Après trois semaines et demie de grève, de manifestations auprès des pouvoirs publics et de blocage d'une partie de l'approvisionnement du site, la direction des Chantiers qui ne voulait pas entendre parler de cette solution a dû céder, au moins partiellement. Le 11 avril, usant de tout ou partie des sommes dues au patron d'Ippokampos, elle remettait à chacun des travailleurs un chèque représentant 41% des sommes qui leur étaient dues. Mais après la rupture du contrat entre Alstom et Ippokampos et une semaine supplémentaire d'efforts vains pour pouvoir encaisser ce chèque sur place, ils ont dû rentrer en Grèce. Ils attendent maintenant pour le 28 avril le jugement du tribunal des prud'hommes, qui devrait se prononcer pour ou contre le paiement par Alstom du reste des sommes dues.
Dans le même temps, trois ouvriers portugais ont rejoint la lutte des Grecs. Ils travaillaient à bord de paquebots comme le Queen Mary 2, présenté partout comme "un rêve en construction", en bout d'une chaîne de sous-traitance en cascade. Recrutés au Portugal en début d'année, ils disposaient d'un badge d'accès au chantier naval mais ils n'avaient jamais signé de contrat de travail et depuis deux mois ils ne percevaient aucun salaire, si ce n'est quelques "avances" en liquide pour pouvoir se nourrir.
Coude à coude avec les travailleurs grecs, ils ont manifesté, porté plainte au commissariat, alerté la presse et demandé à plusieurs reprises des comptes à l'inspection du travail et au sous-préfet.
La détermination des travailleurs en lutte et l'odeur nauséabonde des scandales à répétition qui commençait à se répandre largement ont permis (au bout de quinze jours de bagarre) aux travailleurs portugais de voir leurs salaires intégralement payés, y compris les jours de grève.
Malgré les charrettes de licenciements d'intérimaires (embauchés, eux, en France) qui se succèdent depuis plusieurs semaines, ces victoires ont été saluées par nombre d'ouvriers.
Car Alstom a depuis quelques années instauré une sous-traitance en cascade, avec des appels d'offres pour des marchés toujours plus tirés vers le bas.
Ce système, en multipliant les boîtes plus ou moins bancales, voire véreuses, organise un accroissement sensible de l'exploitation de tous les travailleurs, depuis les méthodes "classiques" d'augmentation de la productivité (annualisation, travail en 1x8, 2x8, 3x8, VSD, chasse aux "temps morts" et à la "non-valeur ajoutée") en passant par la dégradation des conditions de travail, la multiplication de la précarité, l'allongement des journées de travail et la baisse des salaires pratiqués, jusqu'au travail purement et simplement non payé.
Après la lutte et le succès des travailleurs indiens d'AVCO, ces nouvelles grèves (même relativement isolées) victorieuses (même partiellement) constituent une première et un événement d'importance à Saint-Nazaire. Au-delà des frontières et des différences de langue, elles ont suscité le respect et un soutien moral de nombre de travailleurs français des Chantiers et au-delà (par exemple lors des manifestations pour la défense des retraites ou contre la guerre en Irak). À leur échelle, démonstration a été faite que la classe ouvrière est plus que jamais une classe internationale, capable de se défendre dans des conditions difficiles contre des grands groupes comme Alstom, et du même coup de mettre à mal leur politique d'aggravation de l'exploitation de l'ensemble des travailleurs.