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Leur société
"Rupture de croissance"? Pas pour tout le monde
"C'est vrai qu'on a un chômage plus fort, c'est vrai aussi qu'on a un taux d'activité qui est faible, qu'on a des gens trop jeunes qui quittent le travail". Raffarin a ainsi diagnostiqué la situation, lors d'une visite à Michelin, à Clermont-Ferrand. Et pourquoi cela? Parce que le pays subit une "rupture de croissance inédite depuis quatre mois".
Le Premier ministre n'a pas précisé que cette "rupture de croissance" ne concernait pas tout le monde, et en particulier pas du tout les profits de certains patrons comme Michelin, Bouygues, la famille Bettencourt de L'Oréal, les licencieurs du groupe LU-Danone, et combien d'autres parmi les trusts français qui, comme Saint-Gobain, affichent en ce moment même des résultats financiers insolents alors que la majorité de la population laborieuse subit de plein fouet les conséquences du chômage et la dégradation des conditions de salaires et de vie.
Car ce n'est pas parce que le chômage croît de façon importante et que l'activité économique ralentit que les capitalistes ne s'enrichissent pas. Malgré les aides et les subventions que leur verse l'État, les grandes entreprises continuent à désinvestir, à fermer leurs portes, celles de leurs filiales ou de leurs sous-traitants, à délocaliser. Elles suppriment des milliers d'emplois, restructurent, ruinent l'économie de villes et de régions entières, sans pour autant être, elles-mêmes, en "rupture de croissance".
Raffarin parle aujourd'hui de ralentissement économique, voire de crise, non pas pour prendre des mesures énergiques contre les industriels, les banquiers et les spéculateurs de tout poil, qui déplacent leurs capitaux et décident d'arrêter telle ou telle production parce qu'elle ne rapporte pas suffisamment. Non. S'il parle de ralentissement économique, s'il s'appuie sur "l'hypothèse de croissance" qui, pour cette année, serait tombée de 3% à 1,5% et même à 1,3%, c'est pour expliquer à la population laborieuse qu'il doit plus que jamais maintenir le cap des réformes engagées, "tenir bon face aux incertitudes" comme il dit. En clair, il explique qu'il va falloir accepter de nouveaux sacrifices et de nouvelles amputations des acquis, avec au premier rang la remise en cause des retraites. Sous prétexte de sauver "l'économie française", en réalité afin de satisfaire les patrons du Medef et les autres. Les salaires resteront bloqués, les bas salaires seront encouragés, le nombre de fonctionnaires sera réduit, l'intérim et les emplois précaires seront encouragés dans le secteur privé, et surtout la réforme des retraites continuera au rythme fixé par le gouvernement, qui entend bien présenter dès mai prochain au Conseil des ministres un projet bouclé du passage des employés du secteur public de 37 ans et demi de cotisations à 40 ans d'ici à 2008. Et Raffarin escompte bien que ce premier pas sera suivi d'autres, vers un allongement encore plus important et pour l'ensemble des salariés, public et privé, de la durée de cotisation exigée pour bénéficier d'une retraite à taux plein.
L'économie capitaliste ne va pas aussi bien que les patrons et le gouvernement le souhaiteraient? Le gouvernement se prépare à en faire encore plus pour les patrons, sous prétexte de redresser la situation? Aux travailleurs de refuser de faire les frais de cette politique et de se mobiliser pour défendre leurs acquis.