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- Lutte ouvrière n°1809
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Tribune de la minorité
Retraites, sécu...le combat continue!
Les grèves et manifestations du 3 avril ne sont sans doute qu'une étape, et pas la dernière, dans la lutte pour la défense du système des retraites. Au moment où nous écrivons nous ne savons d'ailleurs pas encore quelle a été l'ampleur de cette nouvelle journée d'action. Ce qui est sûr, c'est que tout aura été tenté au niveau gouvernemental pour opposer secteur public et secteur privé et faire avancer l'idée de la nécessité de procéder à la prétendue réforme- c'est-à-dire à l'allongement de la durée de cotisation et à la baisse des pensions pour tous-; du côté des grandes centrales syndicales, loin s'en faut en revanche que tout ait été mis en oeuvre pour faire capoter les projets gouvernementaux.
C'est évident pour la CFDT, CFTC et CGC, qui avaient invoqué la nécessité d'attendre les précisions du gouvernement pour refuser de s'associer à l'appel du 3 avril. Comme si les objectifs de Chirac- Raffarin n'étaient pas parfaitement connus depuis le début! Comme si tous les gouvernements précédents n'en avaient pas déjà rêvé tout haut avant même de passer à l'acte... en dehors de Juppé qui s'y est cassé les dents en 1995! Comme si la droite et la gauche n'avaient pas tout au long de leur dernière campagne électorale annoncé leur ardent désir de remettre ça!
Le choix de ne pas s'opposer résolument aux projets de Chirac-Raffarin, est certes moins apparent pour les confédérations CGT, FO, FSU, UNSA, qui sont à l'origine de cette journée de grèves et de manifestations. En particulier pour les dirigeants de la CGT, lesquels savent cultiver les ambiguïtés et en ont encore donné la preuve lors du dernier congrès de leur organisation.
Ainsi la motion ayant récolté à Montpellier le plus fort pourcentage de voix (95%), a été celle sur les retraites, appelant à la mobilisation le 3 avril. Résultat pour le moins étonnant, vu les contestations qui s'étaient exprimées lors de la préparation et même à la tribune du congrès. Sauf à constater que chacun peut lire dans cette motion ce qu'il a envie d'y trouver:
"Avec demain 50% de retraités en plus, il faut, pour garantir un haut niveau de retraites assurer la solidité financière du système. Cela exige une autre politique de l'emploi et des salaires (...) Le droit effectif à la retraite à 60 ans est pour les salariés le repère collectif fondamental. Les décrets Balladur (...) sont incompatibles avec ce droit. Le seul retour de tous les salariés à 37,5 années de cotisation ne peut suffire à garantir ce droit à la retraite à 60 ans." La presse dans sa quasi-unanimité n'a pas manqué d'interpréter cette dernière phrase comme l'abandon des 37,5 ans pour tous et l'acceptation d'un alignement public/privé. Ce qui n'empêche pas des syndicalistes d'approuver le texte, de le défendre-et pour certains n'en doutons pas en toute bonne foi-en considérant que l'exigence de la CGT n'est en rien un recul, qu'elle va même au-delà du système actuel avec pour but d'assurer un bon niveau de retraite pour les générations à venir, celles qui ne réussiront pas à atteindre 37,5 ans de cotisation.
"Toutes les retraites doivent au moins être égales à 75% des meilleures rémunérations d'activité, et indexées sur les salaires" peut-on encore lire dans la motion. "Il faut assurer l'égalité en s'attaquant aux disparités entre salariés. (...) Il faut qu'à une même cotisation corresponde une retraite de niveau comparable. La base de 37,5 ans doit continuer à prévaloir. (...) les salariés ayant accompli des carrières longues doivent pouvoir partir avant 60 ans; ceux qui exercent des travaux pénibles doivent pouvoir le faire à 55 ans." Ceux du secteur public couverts jusque-là par des régimes spéciaux, ou ceux qui en sont encore à 37,5 annuités de cotisation seront-ils rassurés par de telles formulations? Pas vraiment certain...
Et surtout que valent de telles affirmations quand chacun peut entendre dans le même temps de la bouche des dirigeants de la CGT, leur volonté de s'appuyer sur la déclaration commune des sept confédérations syndicales ayant servi d'appel à la manifestation du 1er février, laquelle est encore moins exigeante et s'aligne pratiquement sur les positions de la CFDT?
Tous les dirigeants syndicaux proclament leur volonté de négocier, sur les retraites comme sur les autres projets remettant en cause la protection sociale. Leur "ambition" est de se poser vis-vis gouvernement et des patrons en partenaires responsables. Et vis-à-vis des travailleurs, elle ne va pas au-delà de leur laisser croire que sans leur habileté à marchander, cela aurait pu être pire. Mais faire vraiment barrage au gouvernement, non ils ne le veulent pas. Aussi peuvent-ils comme le 1er février ou le 3 avril orchestrer de temps à autres des journées d'action, mais ils ne cherchent pas à organiser une véritable lutte d'ensemble.
À la base des syndicats et pour nombre de travailleurs du rang en revanche, la volonté d'empêcher cette prétendue réforme existe et s'exprime. On le constate aussi dans les défilés où figurent en bonne position les "37 ans et demi pour tous", en dépit de toutes les déclarations-communes ou pas-des dirigeants confédéraux. Une certaine pression s'exerce de fait sur les sommets des appareils syndicaux et peut les faire momentanément changer de langage ou même les amener à engager d'autres actions dans les mois à venir. Mais pour préparer un véritable mouvement d'ensemble obligeant le gouvernement à remballer ses projets, comme Juppé en 95, il faudrait encore que ces militants de base et ces ouvriers combatifs cherchent à construire des liens entre eux pour mettre sur pied les moyens de coordonner leurs efforts.
L'extrême-gauche peut et doit contribuer à cette tâche.