Hôpital La Pitié-Salpêtrière(75) : Les conditions de travail régressent!04/04/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/04/une1809.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Hôpital La Pitié-Salpêtrière(75) : Les conditions de travail régressent!

À l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, comme ailleurs, la politique des gouvernements successifs aboutit à une situation qui se dégrade petit à petit depuis plusieurs années maintenant.

Manque de personnel

Le nombre insuffisant d'ambulanciers et de véhicules transforme par exemple en véritable expédition un transport à l'intérieur de l'hôpital. Il est courant qu'un malade mette 4 heures ou plus pour faire un aller-retour d'un service à un autre, pour une consultation ou un examen. Souvent, des rendez-vous de scanners, d'IRM ou d'endoscopies, déjà longs à obtenir, sont annulés car l'ambulancier n'a pas pu venir chercher le malade pour l'emmener à l'heure prévue.

Dans le service des Urgences, le service de radiologie doit prendre en charge ceux des étages: l'orthopédie, la néphrologie, l'urologie, la chirurgie digestive... et bien sûr les patients des Urgences, cela seulement avec trois salles de radio quand tous les appareils fonctionnent! Les manipulateurs radios réalisent quasi quotidiennement 70 radios chacun. Ils doivent aussi faire des radios au lit, à des patients qui auraient pu être accompagnés en radiologie si le nombre d'agents était conséquent dans les services de soins. Les scanners, les IRM sont difficiles à obtenir même quand on est hospitalisé. Aussi les malades peuvent passer leur examen à minuit ou à trois heures du matin. Certaines salles fonctionnent majoritairement avec du personnel intérimaire ou avec le pool de remplacement interne à l'hôpital. Dans quelques endroits, il n'y a même plus d'équipe fixe de garde. Le personnel est différent tous les jours; tel est le cas en long séjour à la Maison de Cure ou en pneumologie.

Pour pallier le manque de personnel, la direction reçoit chaque mois mille demandes d'intérimaires de la part des responsables de services, pour un effectif paramédical de 5 700 personnes. Le budget intérimaire a triplé ces trois dernières années; et encore, les cadres imposent changements de planning, week-ends supplémentaires, doublement de la journée de travail, décalage des repos, suppression des RTT, sans vergogne, pour éviter de demander de l'intérim.

Un autre indice du manque crucial de personnel est le chiffre invraisemblable de 70000 jours dits de repos que la direction doit au personnel, ce qui fait une moyenne de 12 à 13 jours par agent!

Fermeture de lits

Le manque de personnel entraîne des fermetures de lits. Cela est devenu classique tout au long de l'année, pas seulement pendant les vacances. Il y a les fermetures dites provisoires pour cause de travaux, une semaine par-ci, quinze jours par-là. En janvier la direction adressait un courrier à l'encadrement, dans lequel elle demandait de lui envoyer les prévisions de fermetures de lits pour la période du 1er février au 2 juin 2003 car, pendant la période de congés scolaires, la demande de soins, affirmait-elle, peut être moins forte. Tout cela fragilise les équipes, désorganise en permanence le travail et alourdit la charge de travail dans les services qui restent ouverts.

En 1990, l'hôpital avait 2 400 lits avec 177 lits de long séjour; en 2003, il compte 2 004 lits dont 70 lits de long séjour. Toutes ces fermetures ne se sont pas faites de la même manière. Beaucoup ont eu lieu insidieusement à l'occasion des travaux de réhabilitation (transformation de chambres à trois lits en chambres à deux lits, création d'une salle de détente, d'un bureau pour les médecins ou les infirmières). Les lits de long séjour ont disparu en étant d'abord transformés en lits de soins, de suite et de réadaptation et en lits de rééducation neurologique qui eux-mêmes ont été en grande partie fermés faute de moyens supplémentaires. Mais ces dernières années, les fermetures se sont accélérées avec des regroupements de services, de spécialités existant en doublon ou proches l'une de l'autre. À l'occasion de l'ouverture du bâtiment de Coeur, le regroupement de services de cardiologie d'hôpitaux différents a eu pour conséquence la fermeture de 65 lits en tout.

À l'été 2002, 804 lits ont fermé dont 55 n'ont pas rouvert. En ajoutant les 45 lits non ouverts en 2002, suite à des fermetures antérieures, et les 31 lits fermés suite à des changements de structure pour dysfonctionnement par manque de moyens en matériel et en personnels, c'est 131 lits qui n'ont pas rouvert en 2002. On peut ajouter les salles où les lits ferment le week-end et les fermetures des quinze jours de fêtes de fin d'année, ce qui porte le chiffre de fermetures à 500-550 lits sur le groupe en fin d'année.

Dans le service de radiothérapie médicale, la moitié des lits ont fermé au printemps dernier. La direction expliquait à l'époque que c'était pour le bien du personnel et celui des patients. Puis des personnels ont été poussés à quitter le service proportionnellement au nombre de lits fermés.

Dans le bâtiment de neurochirurgie, la réanimation, qui comptait 40 lits il y a sept ans, à l'ouverture du bâtiment, ne tourne plus que sur 25 lits actuellement. Dans une première phase dix lits avaient été fermés pour faire des économies, puis plus récemment, il y a un an et demi, cinq lits avaient été fermés par manque de personnel et jamais rouverts depuis. Pourtant ce manque de lits de réanimation pose de gros problèmes de fonctionnement à l'ensemble du bâtiment qui est censé accueillir trois fois 24 heures par semaine les urgences neurochirurgie de toute l'Ile-de-France et qui gère également 100 lits d'hospitalisation pour les opérations de neurochirurgie programmées.

Le manque de place en réanimation oblige par exemple à faire stationner parfois des patients qui nécessitent des soins lourds plusieurs jours dans la salle de réveil qui n'est pas conçue pour cela. Il oblige également de plus en plus souvent les médecins à refuser des malades arrivés dans le cadre des urgences ou à faire sortir parfois prématurément des patients pour les mettre en hospitalisation. En chirurgie cardiaque, la rotation des patients est telle que lorsqu'un patient part au bloc, son lit est pris pour une autre entrée; l'opéré trouvera un autre lit après 24 heures passées en réanimation. Cela double le nettoyage des chambres mais les lits sont rentabilisés!

L'aggravation des conditions de travail, la diminution de l'offre de soins qui choque de nombreux travailleurs de l'hôpital ne se sont pas déroulées sans réaction des personnels. Des réactions locales ont pu permettre de faire reculer la direction pendant un moment. Et plusieurs services ont été partie prenante des mobilisations des personnels hospitaliers au cours de ces dernières années.

Mais pour contraindre les gouvernements à changer le cours de leur politique, il faudra un mouvement fort et profond de l'ensemble des personnels hospitaliers, qui s'élargisse si possible au-delà. Car c'est toute la société qui est concernée par le service public hospitalier.

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