Le congrès de la CGT27/03/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/03/une1808.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le congrès de la CGT

Bien plus que les résolutions proposées à la discussion au 47ème congrès de la CGT, qui vient de s'ouvrir à Montpellier, ce qui est au coeur du débat reste -mais ce n'est pas d'aujourd'hui- le positionnement de la confédération.

Ce congrès va se traduire malheureusement par un pas supplémentaire vers la transformation de la CGT en syndicat dit de "concertation" ou de "proposition", comme ses dirigeants en affichent depuis des années l'ambition. Il marquera un peu plus la rupture avec son image de syndicat de lutte, considéré tel par encore nombre de ses militants et de ses sympathisants mais aussi par les patrons qui voient en lui un syndicat différent, moins accommodant. Une partie de l'appareil et les dirigeants cégétistes ne ménagent pas leurs efforts pour rompre avec cette image. Dans le même esprit, ils multiplient les gestes afin de montrer leur volonté de refus de l'inféodation à des partis politiques, en particulier au PCF.

Ces deux préoccupations traduisent le désir des dirigeants cégétistes d'obtenir le label de syndicat "comme les autres", afin d'être admis sans réticence au rang que ce que l'on appelle les partenaires sociaux dans le plein sens que l'on donne au terme de partenaires (organisations patronales et syndicales) avec comme arbitre le gouvernement.

Bernard Thibaut et les tenants de cette transformation expliquent qu'il faut que le syndicat sache s'adapter, qu'il soit en quelque sorte le reflet du salariat dans son ensemble, et qu'il abandonne l'ambition de se vouloir une avant-garde. Il devrait donc se cantonner au terrain qui lui est dévolu, celui des luttes pour l'amélioration du sort des salariés, celui de la lutte économique.

On nous dit qu'il faut privilégier la concertation à l'affrontement. Derrière une telle proposition qui semble relever du bon sens, il y a une mystification. Car la concertation dont on nous parle ne se fait pas à armes égales, entre les salariés d'une part et d'autre part les patrons et des gouvernements à leur service, parfois de façon affichée comme l'actuel gouvernement Raffarin, parfois de façon moins visible comme le gouvernement de la gauche plurielle.

Ce qui permet aux salariés de se défendre, d'obtenir par exemple que l'on mette un coup d'arrêt aux prochaines attaques qui se préparent contre les retraites, ce n'est pas tant de pouvoir disposer de bons avocats à opposer à ceux des patrons et du gouvernement. C'est de disposer d'un rapport de forces, qui fasse hésiter le patronat et impose au gouvernement de remiser ses projets. La concertation est un leurre quand l'un des interlocuteurs dispose du pouvoir économique. C'est cette réalité-là que les dirigeants de la CGT veulent gommer, en prétendant paradoxalement mieux coller à la réalité.

Autre piège, celui qui consiste à opposer l'action syndicale à l'action politique. Les patrons ne s'embarrassent pas de telles précautions. Ils savent intervenir sur le terrain politique. Il n'est qu'à voir le nombre de patrons, d'avocats d'affaires, qui siègent dans les assemblées, sans compter les patrons que l'on retrouve dans les cabinets ministériels, et qui ont leurs entrées dans les ministères. Seuls les travailleurs, en s'organisant politiquement, s'interdiraient donc ce que les patrons s'autorisent!

En fait c'est une escroquerie que de contribuer à cultiver les préjugés contre la politique au sein du monde du travail, sous le prétexte que la CGT a été longtemps la "courroie de transmission" du PCF dans la classe ouvrière. Que les militants de la CGT soient aussi des militants politiques, ce n'est pas cela qui est contestable mais cette politique elle-même, quand par exemple elle a transformé les militants de la CGT en propagandistes des mesures des gouvernements socialistes, expliquant aux travailleurs que les lois Aubry, par exemple, représentaient une avancée formidable.

On peut aussi reprocher les agissements de ces militants du PCF, qui ont utilisé leur prépondérance au sein de la CGT pour juguler toute vie démocratique, qui seule peut vivifier la vie syndicale. Mais si cette attitude a découlé de l'existence d'une fraction majoritaire, qui faisait la loi, il n'est pas certain que le nouveau cours incarné par Thibault contribue à ré-instaurer cette vie démocratique. D'ailleurs une telle vie démocratique n'existe pas plus au sein d'autres confédérations, telle la CFDT.

Il est sans doute plus facile de gommer la lutte de classes des statuts et des discours que de la supprimer de la réalité. Il est sans doute facile d'aller dans le sens des préjugés dominants et d'ajouter son discours à ceux qui professent que la politique serait réservée aux spécialistes. Mais la politique nous rattrape, y compris à l'usine, dans les bureaux, sur les lieux de travail.

Ceux qui s'opposent au cours majoritaire et qui contestent l'évolution de leur syndicat vers l'abandon d'une position de classe, ne sont que 13% au congrès de Montpellier, (en nette augmentation cependant). Mais ils sont sans doute plus nombreux dans les entreprises, où l'on vit la réalité de la lutte de classes, là où l'on subit les effets de la politique patronale et gouvernementale. Et il faut agir pour que ce courant se renforce.

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