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Dans les entreprises
Issoire et Les Ancizes (63) : Quatrième semaine de grève pour les salaires
Depuis près d'un mois, l'activité des trois usines métallurgiques (Fortech et Interforge à Issoire, et les Aciéries des Ancizes), est totalement arrêtée. Des piquets de grève importants et permanents bloquent les entrées. À l'heure où nous écrivons, la lutte de 2000 travailleurs pour obtenir de meilleurs salaires se poursuit.
Les revendications de salaire
C'est le niveau très bas des salaires qui est la cause de cette grève, commencée le 27 février (voir LO, numéros précédents). La direction d'ADH (Aubert et Duval Holding) refuse de discuter de la situation d'ensemble des trois sites. Elle veut en parler usine par usine, ce que la CGT, fortement majoritaire, a catégoriquement refusé jusqu'ici.
Cependant la détermination des grévistes, massivement présents aux piquets de grève (une centaine de grévistes en permanence, qui se relaient nuit et jour), l'impossibilité de faire fonctionner la forge et les fours et de livrer des pièces, ont fait peu à peu évoluer la position patronale. Celle-ci est passée de 0,5% à 2,2% d'augmentation. Ce qui reste bien insuffisant, les grévistes revendiquant 6% au départ, 4% maintenant. Ce qui correspondrait à 40 euros pour tous.
Mais les 2,2% dont parlent les patrons seraient en réalité 1,4% sur le salaire et le reste en augmentation individuelle, donc arbitraire. Les ouvriers en lutte voudraient voir supprimer les inégalités de salaire entre les sites et être payés sur la base des salaires les plus élevés, ceux d'Issoire. En tout cas, ils trouvent inadmissible de recevoir entre 6500 et 7000 F pour 25 ou 30 ans d'ancienneté.
À la fin de la troisième semaine du conflit, la grève est suivie avec des nuances selon les usines. À Issoire, les équipes sont en grève complète. Aux Ancizes, ils font quatre heures et le reste du temps ils sont dans les ateliers à ne rien faire puisque l'activité des fours et de la forge est arrêtée. Mais, considérés alors comme non-grévistes, ils sont payés. Cette grève à mi-temps s'explique par les difficultés dues à de petites paies, à peine 6500 F pour 25 ou 30 ans d'ancienneté.
La direction parle maintenant de 30 euros -au lieu de 29 la semaine d'avant- pour les moins bien payés, ce qui concernerait 400 ouvriers aux Ancizes et près d'une centaine à Issoire. Offrir un euro de plus pour une semaine de grève supplémentaire a été vu comme une insulte. La réponse des grévistes a été d'aller occuper par surprise le siège social de La Pardieu à Clermont-Ferrand. Une centaine d'entre eux provenant des trois usines sont venus soutenir la dizaine de militants qui ont passé une journée et une nuit dans les bureaux, en y retenant un directeur quelques heures.
Un patronat de choc
Après ce coup de semonce, la direction a réagi en portant plainte contre sept des occupants. Puis, vendredi 21 mars, elle a accepté une entrevue de conciliation à la sous-préfecture de Riom. La réunion, en présence de la sous-préfète, fut houleuse. Le PDG, présent pour la première fois, s'en prit vertement aux élus: des maires des communes voisines des Ancizes invités à cette réunion. Il menaça de supprimer des emplois, disant que ses clients, Airbus notamment, allaient se tourner vers d'autres fournisseurs. Il reprocha à la préfecture et aux tribunaux d'avoir refusé par deux fois d'accéder à sa demande: faire évacuer les piquets de grève par la force. Avec le motif habituel: "atteinte à la liberté du travail"!
Et le comble c'est que, pendant cette réunion, sont arrivées une trentaine de lettres recommandées au domicile des grévistes: il s'agit de " convocations à un entretien préalable pour faute lourde" (en fait, la participation aux piquets de grève), et donc d'une procédure de licenciement qui concerne près d'une vingtaine de travailleurs des Ancizes et une demi-douzaine dans chacune des usines d'Issoire. Parmi eux, il y a des délégués, mais aussi des travailleurs du rang non protégés, pris arbitrairement ou mal vus d'une certaine maîtrise.
Une grève populaire
Aux Ancizes la direction, continuant ses manoeuvres, convoquait les non-grévistes, en fait la maîtrise et des non-grévistes influencés par la CGC et la CFDT, pour lundi matin 24 mars. C'était compter sans la réaction collective. Pour la première fois depuis le début de la grève, il y eut un appel à la population à venir soutenir les ouvriers qui entamaient leur quatrième semaine de grève.
Aux Ancizes, lundi 24 mars, dès 7 heures du matin, des centaines de voitures convergaient vers l'usine: familles, voisins, mais aussi petits commerçants et des maires avec leur écharpe tricolore et quelques conseillers généraux et régionaux. En effet tous sont concernés. Dans les petites communes avoisinantes vivent des dizaines d'ouvriers, souvent ouvriers-paysans. Ce sont eux qui font vivre les boutiques et les cafés.
C'est devant 500 personnes venues par solidarité que les responsables du syndicat CGT prirent la parole. Cette présence constituait un encouragement considérable pour les grévistes, bien plus nombreux à faire face aux non-grévistes encadrés par la direction et regroupés à l'autre extrémité du vaste parking. L'effet d'intimidation échouait.
Les jours précédents, les gestes de soutien n'avaient d'ailleurs pas manqué. C'est le boulanger qui apporte gratuitement pain et croissants aux piquets de grève. Ce sont des commerçants qui cèdent avec des rabais importants des produits alimentaires et des boissons. Des cafetiers offrent volontiers la tournée à leur comptoir.
Lundi matin 24 mars, la direction acceptait une réunion de conciliation en laissant entendre qu'elle pouvait retirer ses demandes de licenciement. Elle abandonne également sa procédure de plainte contre sept travailleurs accusés d'avoir envahi le siège social.
Du coup, le moral est revenu parmi les ouvriers, qui ont voté à main levée la poursuite de leur mouvement.
À l'heure où nous écrivons, bien que la situation puisse évoluer d'un jour à l'autre, la grève continue.