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Éducation Nationale : La décentralisation prépare une aggravation
La révision constitutionnelle nécessaire, nous explique-t-on, pour que soit adoptée la loi sur la décentralisation, dont Raffarin prétend qu'il s'agit d'une oeuvre maîtresse, a été adoptée. Le congrès, qui rassemble députés et sénateurs, s'est réuni en grande pompe à Versailles le 17 mars.
L'une des conséquences de cette réforme sera de peser sur le statut et les conditions de travail de nombre de salariés de la fonction publique. 150000 sont dans ce cas.
Sur ces 150000 salariés, 110000 appartiennent à l'Éducation nationale. Et un peu partout ceux-ci commencent à exprimer leur inquiétude et leur mécontentement. Les agents qui assurent aujourd'hui le ménage, le gardiennage et la cantine dans les lycées et collèges, et les TOS (techniciens et ouvriers de service) en constituent la plus grande partie.
Les assistantes sociales, les conseillers d'orientation et les médecins scolaires sont également au nombre des personnels décentralisés à marche forcée. C'est en effet à partir du 1er janvier 2004, dans neuf mois, que le gouvernement a prévu qu'il ne les paierait plus, et que ce serait aux collectivités territoriales de le faire. Raffarin a beau prétendre que "chaque transfert sera compensé", cette célérité à se débarrasser d'un personnel indispensable au fonctionnement des collèges et lycées montre bien qu'il y a avant tout urgence pour le gouvernement à se désengager du financement de pans entiers de l'Éducation nationale.
Sur le terrain, aucune des catégories concernées ne croit à la fable d'une décentralisation effectuée pour répondre aux "vertus de la proximité", comme dit Raffarin. Bien placés pour connaître les priorités des notables régionaux et départementaux, les personnels concernés ressentent les plus vives inquiétudes sur l'avenir qui leur est réservé. D'autant que ces transferts interviennent dans un contexte où le manque de personnel, conséquence de la carence de l'État depuis des années, touche aussi bien l'Éducation nationale que les services dépendant des collectivités territoriales.
Du coup, les techniciens et ouvriers de service craignent de devoir tourner sur plusieurs établissements scolaires, voire sur d'autres services dépendant du département ou de la région, pendant les vacances scolaires par exemple. Et, à terme, l'exemple des collectivités locales leur fait redouter la privatisation pure et simple des services qui les emploient, à commencer par la cantine ou le nettoyage des établissements. Les assistantes sociales scolaires se sentent menacées d'être utilisées en dehors des établissements pour boucher les trous existant dans les secteurs des quartiers les plus pauvres, dans les banlieues où nombre de postes ne sont pas pourvus. Les conseillers d'orientation psychologues, qui actuellement aident les élèves à choisir leurs filières d'études, savent que les administrations régionales auxquelles ils vont être affectés ont de tout autres projets pour eux: leur faire promouvoir les filières jugées "porteuses" par le patronat local, ou encore les affecter au dispositif de formation continue, beaucoup plus intéressant financièrement pour ces administrations.
Quant aux médecins scolaires, Xavier Darcos avait déjà proposé de confier à des étudiants en médecine ou à des médecins libéraux d'effectuer les bilans de santé des élèves. Les institutions départementales pourraient donc les récupérer pour boucher là encore des trous, ceux qui existent par exemple dans les centres de Protection maternelle et infantile, pour lesquels la moitié des départements sont en dessous de la norme prévue.
Cette décentralisation ne signifiera donc pas seulement une aggravation des conditions de travail des catégories concernées. Elle se traduira rapidement dans les établissements scolaires par une présence beaucoup plus réduite, voire la disparition pure et simple de toute une partie du personnel non enseignant.
L'ensemble du personnel, les élèves et leur famille en feront les frais, et c'est pourquoi dans certains établissements scolaires parents et enseignants commencent à exprimer leur opposition. Raffarin prétend "rapprocher les centres de décision des citoyens". C'est faux, c'est même tout le contraire.