- Accueil
- Lutte ouvrière n°1807
- Daewoo Longwy : Patrons voyous, ouvriers en prison
Dans les entreprises
Daewoo Longwy : Patrons voyous, ouvriers en prison
Le 14 mars, deux ouvriers licenciés de l'usine Daewoo de Mont-Saint-Martin ont été écroués, inculpés pour l'incendie de leur usine en janvier dernier. Pendant ce temps-là le fondateur du groupe Daewoo, en cavale pour escroqueries et malversations, coule des jours heureux sur la Côte d'Azur... Cherchez l'erreur!
C'est le 23 janvier que l'usine Daewoo de Mont-Saint-Martin était la proie des flammes. L'incendie a détruit le stock de tubes cathodiques, qui était considéré par les travailleurs comme un "trésor de guerre", en tout cas comme un moyen de pression sur Daewoo pour obtenir des garanties pour les 550 salariés face à une fermeture annoncée.
À qui profitait le crime? De toute évidence à la direction comme aux pouvoirs publics, qui se sont servis de ce prétexte pour fermer l'usine quelques semaines plus tôt que prévu, clôturant le chapitre de la présence de Daewoo en Lorraine avec la fermeture en quelques mois de ses trois usines et le licenciement au total de près de 1100 travailleurs.
Le jour de l'incendie, comme par hasard, il n'y avait plus aucun cadre présent dans l'entreprise, le service de gardiennage avait été allégé... beaucoup de choses qui poussaient l'intersyndicale à mettre en cause la direction. Ce 23 janvier, l'usine n'était pas plus occupée qu'en grève: elle ne tournait pas faute de matières premières, définitivement abandonnée à son sort par le groupe Daewoo et par l'irresponsabilité de la direction locale qui n'avait rien prévu pour sécuriser le site.
Le SRPJ de Nancy a interrogé 150 personnes et, le 12 mars, il mettait en garde à vue quatre ouvriers ainsi que la responsable de l'Union locale CGT de Longwy. Celle-ci a été relâchée au bout de 24 heures, les quatre ouvriers licenciés étant retenus 24 heures de plus et inculpés pour destruction volontaire par incendie. Deux d'entre eux étaient même écroués. "La mise en accusation de nos camarades ne repose sur aucun élément matériel sérieux", précise l'intersyndicale CGT-FO-CFTC. "Elle n'est fondée que sur la seule déposition d'un co-inculpé qui a cédé à la pression des interrogatoires pendant sa garde à vue."
Ces interpellations ont suscité beaucoup d'émotion à Longwy et dans la région. Plusieurs dizaines de travailleurs ont manifesté trois jours de suite, des heures durant, devant le commissariat de Longwy puis au tribunal. La CGT a dénoncé "une opération de basse politique pour casser la mobilisation des travailleurs". L'intersyndicale CGT-FO-CFTC appelle à manifester à Paris vendredi 21 mars avec les travailleurs des autres entreprises victimes de plans de licenciements. Totalement solidaire des ouvriers inculpés, elle appelle également à une manifestation à Longwy le samedi 22 mars après-midi pour protester contre l'incarcération des deux travailleurs emprisonnés.
Reste à savoir si la police et la justice mettront le même acharnement pour dénouer les malversations effectuées par Daewoo en France, qui ont provoqué le licenciement de 1100 ouvriers en quelques mois. Des plaintes étaient déposées par l'avocat de l'intersyndicale devant la gestion pour le moins louche et opaque de Daewoo qui a, rappelons-le, touché 450 millions de francs d'aides publiques pour s'installer en Lorraine.
Pour l'instant, la police est complètement inactive face au fondateur du groupe Daewoo poursuivi en Corée du Sud pour malversations et banqueroute depuis septembre 1999 et recherché, paraît-il, par Interpol.
Selon le journal Libération du 13 mars, ce monsieur Kim Woo-choong -un grand ami de Gérard Longuet, président de la Région Lorraine et de Chirac- aurait détourné 2 milliards de dollars pour son profit et il est accusé dans son pays d'une des plus grandes fraudes comptables de l'histoire. Mais il a fui la Corée pour se réfugier... en France! Toujours selon Libération, il a obtenu la nationalité française en 1987 bien qu'il ne parle pas un seul mot de français. Une naturalisation obtenue grâce aux solides appuis politiques qu'il avait à droite au titre des "services exceptionnels rendus à la France".
En 1996, Juppé décorait Kim Woo-choong de la Légion d'honneur avant de retenir sa candidature pour la privatisation de Thomson. Et pourtant le fondateur de Daewoo avait déjà été condamné en Corée pour des pots-de-vin versés au président du pays entre 1989 et 1993.
Aujourd'hui Kim Woo-choong vit dans une villa de milliardaire sur la Côte d'Azur et vient d'obtenir un numéro de Sécurité sociale puisque, toujours selon Libération, il travaillerait dans l'engineering. Et il ne risque rien: la France n'extrade pas ses ressortissants et, de toute façon, il n'y a pas de convention d'extradition entre la France et la Corée.
Pendant que Kim Woo-choong coule des jours heureux sur la Côte d'Azur, deux ouvriers licenciés de l'usine Daewoo dorment en prison en Lorraine.