Roms de Lieusaint (77) : Chronique d'une expulsion annoncée13/03/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/03/une1806.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Roms de Lieusaint (77) : Chronique d'une expulsion annoncée

Branchements électriques sauvages, caravanes délabrées achetées souvent à des receleurs, boue, rats et maladie, aucun sanitaire, mendicité et expédients, tel est jusqu'à maintenant le quotidien enduré par les Roms du campement de Sénart en Seine-et-Marne. Malgré ces conditions de vie infâmes, chacun s'accroche, certains depuis une dizaine d'années, à son carré de bidonville.

Les enfants sont scolarisés, le budget des familles, fruit des petits boulots, est plus que serré: 15 ou 20 par jour. Une petite aide alimentaire et juridique est également prodiguée grâce au dévouement de quelques militants associatifs et politiques, sans grands moyens, eux non plus. Malgré tout cela, disent-ils, "on est mieux qu'en Roumanie!"

Les nouvelles du pays sont l'intensification des agressions contre les Tsiganes, l'impossibilité de pouvoir envoyer les enfants à l'école et d'avoir du travail. Au téléphone, un Rom ayant séjourné au campement, récemment expulsé en Roumanie raconte sa situation: "Ici, c'est comme s'il y avait la guerre. Pas de chauffage, rien à manger. Je n'ai même pas de quoi acheter un ticket de métro... Dès que j'ai l'occasion, je prends mes gosses et je reviens!"

Face à cette misère, la préfecture de Seine-et-Marne, appliquant les ordres du gouvernement, fait donner sa police. Il ne se passe pas de jour sans que l'on apprenne qu'un membre de telle ou telle famille a été arrêté ou est déjà dans l'avion à destination de Bucarest.

S'appuyant sur des directives européennes imposant à tout citoyen roumain d'avoir à débourser 500i pour entrer dans l'espace Shengen et d'en détenir environ 500 autres pour parvenir en France, plusieurs tribunaux de Seine-et-Marne ont fait expulser des personnes détentrices d'un passeport de touriste en cours de validité au motif qu'elles n'avaient plus l'intégralité de la somme sur elles. Pour ces messieurs les juges, seuls les fortunés ont accès au statut de touriste!

Récemment, dans la même journée, 150 gendarmes investissaient le camp de Lieusaint afin de protéger l'huissier venu recenser les familles en vue d'une procédure d'expulsion collective prévue dans les jours qui viennent. Ils raflaient quelques personnes au passage. Sitôt repartis, pas moins de 13 policiers débarquaient à leur tour sur le camp dans le cadre, disaient-ils, d'une enquête à propos d'une caravane volée, leur trophée: une ruine dans l'impossibilité de rouler, véritable tas de rouille.

Dans la semaine, on apprenait qu'une opération de police menée à Achères dans les Yvelines s'était soldée par la destruction du campement et par des reconduites à la frontière pour les résidents. La décision du Tribunal administratif de Melun, mercredi 12 mars, risque fort d'engendrer les mêmes conséquences: les seules perspectives pour les résidents de Lieusaint étant aujourd'hui soit d'attendre la rafle, la destruction de leurs habitations et leur expulsion du territoire pour la plupart, soit de fuir tout de suite sur les routes misérablement pour vivre ailleurs la même misère...

Partager