Le déficit de l'État français : Monnaie unique, bourgeoisies rivales13/03/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/03/une1806.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le déficit de l'État français : Monnaie unique, bourgeoisies rivales

Le respect des critères de Maastricht subit accrocs sur accrocs. Après le Portugal en 2001 et l'Allemagne en 2002, c'est au tour de la France d'enfreindre ce pacte, dit de stabilité, européen. L'année dernière, le déficit de l'État Français avait légèrement franchi le seuil autorisé de 3% du Produit Intérieur Brut. Mais en 2003 le gouvernement annonce un dépassement beaucoup plus important: 3,4% du PIB. Et encore ne s'agit-il que de prévisions, on parle de 4, voire 4,5% du PIB.

Il n'aura donc pas fallu attendre longtemps pour juger de ce que valait la sincérité des politiciens et de tous ces "experts" qui prétendaient toute mesure sociale impossible, au nom du respect des critères de Maastricht. Depuis leur adoption, ces fameux critères ont servi de prétexte dans la guerre menée par chaque bourgeoisie contre le niveau de vie de sa propre population. Investir dans les services publics? Augmenter les salaires des fonctionnaires? Préserver une Sécurité sociale digne de ce nom? Augmenter les minima sociaux? Tout cela, voyez-vous, n'était pas possible, car cela aurait entraîné des déficits incompatibles avec les règles de Maastricht.

Le mensonge était double. D'abord, parce que l'État aurait largement eu les moyens d'assumer toutes ces mesures tout en limitant son déficit: il aurait simplement fallu qu'il cesse de financer de mille et une manières le patronat. Mais ensuite, parce que cette loi d'airain intransgressable, ces critères de Maastricht, aujourd'hui que cela arrange la bourgeoisie française, se révèlent opportunément élastiques. Et Raffarin n'est nullement gêné d'annoncer tout à la fois un dépassement hors norme et la poursuite des allégements d'impôts en particulier pour les entreprises et les riches.

L'adoption des ces fameux "critères de Maastricht", rappelons-le, était liée à la mise en place d'une monnaie unique au sein d'une Europe qui continuait à être formée d'États nationaux indépendants. En particulier, les États qui disposaient jusque-là d'une monnaie forte, comme l'Allemagne, n'avaient pas l'intention de faire les frais du passage à l'euro en se retrouvant à payer pour les déficits des États à monnaie faible. C'est ainsi qu'un "pacte de stabilité", sorte de code de bonne conduite financière, avait été adopté, qui soumettait les États signataires à certaines obligations. D'où la limitation du dépassement autorisé des déficits publics à 3% du PIB. D'où aussi la limitation de la dette publique autorisée à 60% du PIB, un autre critère que la France devrait transgresser cette année.

Proclamer des règles est une chose, les respecter une autre. Et l'Europe actuelle, bien qu'elle ait mis en place une monnaie unique, reste un conglomérat d'États nationaux, qui ne dispose d'aucune réelle autorité capable de s'imposer à ses membres. Si les États de moindre importance que sont le Portugal ou la Grèce violent les règles, ils se font immédiatement rappeler à l'ordre par l'Allemagne ou la France. Mais quand ce sont les parrains eux-mêmes qui, au nom de leurs intérêts propres, s'assoient sur ces mêmes règles, leurs "alliés" n'ont guère les moyens de s'y opposer. La mise en place d'une monnaie commune est loin d'avoir mis fin aux contradictions et aux luttes d'intérêts qui opposent les différentes bourgeoisies réunies au sein de l'Union européenne.

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