Lorient (56) : Crise au port de pêche20/02/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/02/une1803.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Lorient (56) : Crise au port de pêche

Depuis plusieurs semaines, le port de pêche de Lorient traverse une crise importante, liée d'une part aux difficultés financières de la SEM (Société d'économie mixte) qui gère le port, et d'autre part à l'annonce du désengagement de l'armement espagnol Pescanova. Les conséquences sociales sur l'emploi risquent d'être importantes. Plus de 3 000 personnes : dockers, marins des armements, salariés des mareyeurs et de diverses sociétés de services, travaillent autour du port de Lorient-Kéroman. D'ores et déjà, la liquidation de l'armement de pêche Jégo-Quéré se traduit par la suppression de 75 emplois.

Un port de pêche aux mains du privé, via Vivendi

La SEM de Lorient-Kéroman, chargée depuis 1993 de gérer le port de pêche, avait passé un contrat d'exploitation de quinze ans avec une filiale de Vivendi. En échange de la gestion des équipements portuaires, cette filiale de Vivendi, la Cep, percevait une substantielle rémunération. Vivendi, qui contrôle déjà la distribution de l'eau sur la quasi-totalité des communes de l'agglomération lorientaise, a trouvé avec la gestion du port de pêche une nouvelle manne financière. En 2001, la redevance annuelle versée à la Cep a atteint 5,79 millions d'euros. La SEM, au bord de l'asphyxie financière, vient de déposer auprès du tribunal de commerce de Lorient une demande d'annulation du contrat la liant à la Cep pour tenter de reprendre la gestion du port de pêche. Mais la filiale de Vivendi n'a pas l'intention de se laisser déposséder de son affaire.

En 1993, les dirigeants politiques locaux de droite comme de gauche pariaient sur un développement de l'activité du port de pêche, où environ 35 000 tonnes de poisson étaient débarquées. C'est sur cette base qu'ils avaient offert à la Cep le contrat d'exploitation. Mais depuis dix ans, la situation de la pêche a bien changé. La raréfaction des ressources de la mer et, plus encore, les modifications de la politique des grands armements qui ne font plus transiter leur pêche par les ports mais les vendent directement ont fait que les volumes de poisson frais débarqués à Lorient ne cessent de baisser.

Dans ce contexte, le désengagement de la multinationale espagnole Pescanova qui exploitait plusieurs bateaux de pêche de l'ex-armement Jégo-Quéré ne fait qu'aggraver la situation du secteur de la pêche lorientaise.

Tapis rouge pour une multinationale de la pêche

Depuis qu'au début des années 1990 le groupe Pescanova a repris les navires de pêche industrielle de l'armement Jégo-Quéré basé à Lorient, les collectivités publiques n'ont eu de cesse de multiplier les subventions en échange de la promesse de maintenir la flotte de pêche et les emplois correspondants (415 salariés dont 290 marins se relayant sur 20 navires en 1994). En fait la multinationale Pescanova n'a jamais tenu ses promesses mais a encaissé régulièrement des aides publiques dont le montant total est évalué à une bonne quinzaine de millions d'euros sur dix ans.

Aujourd'hui Pescanova est un groupe qui se porte bien. Il a doublé son chiffre d'affaires en 2002, pour atteindre 900 millions d'euros. Le cours de son action, cotée à la Bourse de Madrid, est passé ces dernières semaines de 11 à plus de 16 euros. C'est dire que ce groupe ne manque pas de moyens.

Après avoir exploité pendant dix ans les marins de l'ex-armement Jégo-Quéré, après avoir démantelé une partie de la flottille de pêche et supprimé des dizaines d'emplois, Pescanova a décidé de vendre ses derniers bateaux de pêche et de licencier les marins. La suppression des 75 derniers emplois de l'armement Jégo-Quéré a été annoncée cette semaine.

La gauche locale, menée par l'ex-secrétaire d'État à la Mer, le socialiste Le Drian, et la droite régionale font mine de crier au scandale. Elles déclarent vouloir engager des procédures pour récupérer les aides publiques accordées à Pescanova. L'effet d'annonce est là mais c'est tout de même beaucoup de vent pour pas grand-chose, puisque le Conseil régional de Bretagne, l'un des généreux bailleurs de fonds, n'envisage de pouvoir récupérer que 180 000 euros sur les millions qui ont été versés en dix ans à Pescanova.

La liquidation de l'ex-armement Jégo-Quéré est un coup dur pour l'emploi dans le secteur de la pêche. Elle aura également pour conséquence la perte de plusieurs milliers de tonnes de poisson frais débarquées par an, ce qui rendra la situation du port de pêche encore plus délicate.

La politique du groupe Pescanova, comme celle de la Cep, filiale de Vivendi, illustrent parfaitement ce que la recherche du profit peut provoquer comme catastrophe sociale. Dans le domaine de la pêche, les plus gros requins sont bien les actionnaires des grands groupes qui, non contents de piller les ressources de la mer, mettent en danger l'existence de centaines de travailleurs.

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