La seule chance contre la guerre : C'est le veto de la rue !20/02/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/02/une1803.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

La seule chance contre la guerre : C'est le veto de la rue !

Bush a l'art de rapprocher les peuples : les manifestations contre la guerre ont été un succès planétaire, en Australie, au Japon, en Inde, en Syrie, dans toute l'Europe, et même aux États-Unis, où plus de 100 000 personnes ont bravé l'interdiction et des charges de la police à cheval pour investir Manhattan. C'est chez ses alliés européens les plus va-t'en-guerre que les manifestations ont été les plus massives : 1 million à Londres, 2 à 3 millions à Rome, autant en Espagne, où une pancarte donnait ce bon conseil à Aznar : " Si vous voulez du pétrole, allez en Galice ! "

En comparaison, les manifestations françaises apparaissaient presque respectueuses, voire consensuelles ! Pas d'opposition franche ici entre la population et le gouvernement : Chirac n'est-il pas le rempart le plus efficace contre la paix ? De Villepin n'était-il pas le héros du jour au conseil de sécurité de l'ONU ? La France ne pourrait-elle pas aller jusqu'au veto pour empêcher la nouvelle expédition militaire de Bush ?

Ces espoirs, répandus chez bien des manifestants, pourtant plus ou moins méfiants, les dirigeants de la gauche ne se sont pas gênés pour les entretenir, sur tous les tons. Mélancolique, le vert Lipietz : " C'est quand même pénible de faire deux manifs pour Chirac à six mois d'intervalle. " Responsables, les socialistes Hollande et Fabius : " Nous soutenons pleinement la position de la France ". A la fois enthousiaste et nuancée, Marie-George Buffet : " La France est courageuse mais j'espère que cette position sera tenue jusqu'au bout. " C'est la leçon de Realpolitik du PCF : il faut soutenir la position de Chirac à l'ONU et plus nous serons nombreux à lui demander de mettre son veto, plus il sera coincé. Voilà qui rappelle la fine tactique du deuxième tour de l'élection présidentielle, qui voulait mobiliser la gauche au service de l'élection de Chirac pour qu'il soit otage de nos voix ! Avec le succès que l'on sait...

Chirac sauveur de la paix ?

Alors, Chirac, dans le camp de la paix ? Aux côtés de Poutine, qui massacre les Tchétchènes ? Chirac, qui a trempé dans toutes les sales guerres de la France en Afrique ? Qui envoie son corps expéditionnaire en Côte d'Ivoire, après avoir laissé les nervis de Gbagbo assassiner dans les bidonvilles ? Chirac, le meilleur VRP des industriels français de l'armement ?

Il se charge lui-même de nous rassurer, en affirmant à Time Magazine : " La France n' est pas un pays pacifiste ". Il veut lui aussi " désarmer l'Irak " et " n'exclut pas le recours à la force ". La base française de Djibouti accueille les troupes américaines, et le Charles-de-Gaulle a quitté Toulon pour rejoindre un groupe aéronaval américain au large de la Crète.

Si aujourd'hui Chirac tient tête à Bush, ce n'est pas pour épargner de nouvelles souffrances au peuple irakien. Il y aurait aujourd'hui en Irak des gisements représentant 112 milliards de barils de brut. A elles seules, les firmes russe Loukoil et française Total Fina Elf ont négocié avec le gouvernement irakien des options qui couvrent le quart de cette production potentielle ! Selon le Journal du Dimanche du 16/02, la revue Pétrostratégies cite une note des services du Pentagone selon laquelle " les grandes compagnies pétrolières américaines doivent occuper un rôle de premier plan (en Irak) et ne laisser que des lots de consolation aux Russes, une part honorable aux firmes britanniques et si possible rien du tout aux autres sociétés européennes. "

L'enjeu ne se limite d'ailleurs ni au pétrole, ni à l'Irak. Une mainmise directe sur l'Irak donnerait aux États-Unis de nouveaux moyens de pression sur tous les États de la région, pour en évincer les trusts concurrents, dans le pétrole, mais aussi le bâtiment, l'alimentation, les télécommunications ou encore, bien sûr, l'armement. Colin Powell le disait de façon lapidaire : " Il est possible qu'un succès en Irak puisse remodeler cette région d'une manière positive, qui fasse progresser les intérêts américains. "

Si le gouvernement français, aux côtés des Russes et des Allemands, n'a pas voulu s'aligner d'emblée sur Bush, c'est parce qu'il ne lui laissait pas la moindre miette du butin et pire encore : ces bombes qui tueront demain des Irakiens visent aussi... les trusts français ! Alors, pour Chirac, autant gêner Bush, dans l'espoir, peut-être, de le rendre un peu plus partageur

C'est ce marchandage qui " divise " aujourd'hui le conseil de sécurité de l'ONU : tout le monde y parle de désarmer le tyran Saddam Hussein, pour la galerie, en pensant à bien autre chose : comment se partagera demain le pillage du Moyen-orient ? Dans ces conditions, Chirac n'userait de son veto que s'il y voit une arme utile pour marchander avec les États-Unis, et il n'empêcherait pas de toute façon la guerre. Mais le plus probable est qu'il cherche encore à s'imposer à l'impérialisme américain pour obtenir quelques miettes du gâteau, en se présentant comme un allié certes de moindre puissance mais politiquement utile, et il aidera alors Bush à obtenir la caution de l'ONU pour son expédition.

Ce n'est donc pas à l'ONU, grâce à un Chirac, que la guerre pourrait être épargnée au peuple irakien. C'est dans la rue, si la population de Paris, Londres, New York mais aussi du Caire ou Karachi montre à Bush qu'il peut redouter de " graves conséquences " s'il persévère dans son offensive.

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