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Allemagne : Une claque pour Schröder
Les élections régionales qui ont eu lieu le 2 février dans les Länder de Basse-Saxe et de Hesse se sont traduites par une cuisante défaite pour le Parti Social-Démocrate (SPD), quatre mois seulement après qu'il eut réussi, lors des législatives de septembre dernier, à se maintenir au pouvoir avec l'aide des Verts.
Les deux scrutins qui viennent d'avoir lieu concernaient plus de 10 millions d'électeurs. Il s'agit donc d'une confirmation, grandeur nature, de ce que tous les sondages indiquent depuis des mois : un discrédit croissant de la social-démocratie au pouvoir. La seule surprise réside en fait dans l'ampleur du recul enregistré par le SPD : en Basse-Saxe, il perd 14,5 % des voix et dans la Hesse, 10,3 % !
En contrepoint de cette débâcle, l'Union Chrétienne-Démocrate (la CDU) rafle la mise et récupère le Land de Basse-Saxe, que Gerhard Schröder lui-même avait gouverné de 1990 à 1998 avant de devenir chancelier fédéral. La CDU dirige désormais neuf Länder sur seize et renforce ainsi sa majorité au Bundesrat, la seconde chambre du Parlement, ce qui lui permettra d'y jouer un rôle de blocage. Et certains journalistes spéculent déjà sur le fait que le chancelier fédéral pourrait ne pas aller jusqu'au bout de son mandat.
Il est vrai qu'une situation comparable s'est déjà produite, il y a quatre ans, lors du premier mandat de Schröder. A l'époque la CDU avait déjà emporté la Hesse, qui était jusqu'alors un fief social-démocrate. Et puis si, sur les deux scrutins régionaux récents, le SPD a perdu plus d'un million de voix, la CDU n'en a récupéré que moins de la moitié. Les autres se sont dispersées entre l'abstention, les Verts ou les Libéraux-Démocrates. Le résultat traduit surtout le désarroi de bien des électeurs, et en particulier de ceux issus des couches populaires.
Comme en France, l'opinion demeure très majoritairement opposée à une guerre contre l'Irak. Mais cette fois-ci la pose pacifiste que se donne le gouvernement SPD-Verts depuis des mois - tout en aidant l'armée américaine de façon discrète - n'a pas suffi, comme lors des législatives de septembre dernier, à lui sauver la mise. Car la dégradation de la situation économique comme des conditions de vie des travailleurs suscite un mécontentement bien compréhensible.
Alors que Schröder promettait de réduire le chômage, celui-ci ne fait que croître depuis des mois. Les chiffres rendus publics le 5 février font état d'une augmentation de 398 000 demandeurs d'emploi pour le seul mois de janvier ! Au total, l'Office du travail recense désormais 4,6 millions de sans-emploi, soit 11,1 % de la population active. Il ne s'agit-là que des chiffres officiels. Si l'on y ajoute tous ceux qui ne sont pas inscrits et tous les travailleurs qui suivent des programmes de formation bidon que les gouvernements successifs ont inventés pour truquer les statistiques, on arrive à un total qui tourne autour de 7 millions de chômeurs réels.
Par ailleurs, les attaques contre le monde du travail se sont multipliées depuis la réélection de Schröder : hausses d'impôts et de cotisations sociales, attaques contre les chômeurs pour accepter n'importe quel emploi, extension des petits boulots sous-payés et du travail intérimaire, etc.
Depuis 1998, le SPD n'a cessé de favoriser la bourgeoisie. Il a ainsi refusé de réintroduire l'impôt sur la fortune, supprimé à la fin de l'ère Kohl, et qui ne faisait pourtant qu'égratigner les possédants. Et il a aussi supprimé l'impôt perçu lors de la cession d'actifs par des entreprises financières. De quoi aider les banques et les boursicoteurs en tout genre à gonfler leurs profits.
Résultat : alors que l'Allemagne s'enfonce dans la crise, la bourgeoisie ne fait que s'enrichir. Un numéro récent de l'hebdomadaire Der Spiegel estimait ainsi qu'il y avait en Allemagne 365 000 euromillionnaires, un chiffre qui augmenterait de 10 000 tous les ans. Et les dix plus riches d'entre eux disposeraient d'une fortune de 80 milliards d'euros, une somme supérieure au Produit Intérieur Brut de la République Tchèque (10 millions d'habitants) !
Voilà pourquoi le discrédit du SPD va grandissant dans les milieux populaires. Le problème, bien sûr, n'est pas seulement qu'il se prenne une veste électorale. Il serait nécessaire que la classe ouvrière se donne les moyens de réagir. C'est sans doute un problème autrement plus difficile que de manifester son mécontentement dans les isoloirs. Mais face aux attaques dont elle est l'objet, elle représente une force sociale considérable (il y a 34 millions de salariés en Allemagne, 41 millions si l'on compte les sans-emploi). Une force qui, si elle se mettait en branle, pourrait largement faire reculer les patrons et le gouvernement à leur service.