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- Lutte ouvrière n°1799
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Dans les entreprises
Metaleurop (Pas-de-Calais) : Saccager une région, puis l'abandonner !
Après nous, le déluge ! Les cours du zinc et du plomb ne cessent de baisser. Les actionnaires de Metaleurop ont donc décidé de se désengager de leur filiale du Pas-de-Calais qui produit ces métaux, l'usine de Noyelles-Godault. Parmi ces actionnaires, les groupes Glencore (américain), Preusag (allemand) et Algeco (France).
Ceux-ci ont fait connaître leur décision par un fax envoyé à l'usine le jeudi 16 janvier. Dans ce fax, ils expliquent qu'ils feront ainsi l'économie d'un plan de restructuration trop coûteux à leur goût et qu'ils pourront réaliser des bénéfices dès l'année 2003. Le message se veut donc rassurant pour les financiers, mais il ne dit pas un mot du sort des travailleurs employés sur le site ni de la pollution catastrophique de toute la zone autour de l'usine.
En tout, un peu plus de 1 000 travailleurs sont sur le site : 830 embauchés par Metaleurop, les autres étant des intérimaires et des employés d'entreprises sous-traitantes. Au total, près de 2 000 emplois sont menacés, si l'on y ajoute les emplois induits par l'activité de l'usine. Quant à la pollution, elle est l'une des plus graves en France : 13 % des enfants de moins de 15 ans dans les communes qui entourent l'usine ont un taux alarmant de plomb dans le sang, et on connaît les conséquences particulièrement graves du saturnisme pour la santé. Les sols sont truffés de métaux lourds au point que les légumes qui poussent dans les jardins sont interdits à la consommation. Les financiers se préparent donc à laisser derrière eux une double catastrophe sociale et écologique.
Après cette annonce, l'abattement domine. Tout le monde se demande de quoi demain sera fait. Un plan social était en discussion avant que la décision ne soit connue. On en était à l'ouverture du livre 3, et les négociations prévoyaient des indemnités de 250 000 à 300 000 francs (environ 40 000 euros) pour les travailleurs nés jusqu'en 1947. Ces travailleurs, une centaine, devaient d'ailleurs renvoyer leur formulaire ces jours-ci et tous se demandent ce qui les attend. Au total, 240 travailleurs devaient être licenciés avec des indemnités diverses. Les syndicats et les politiciens locaux croyaient ou faisaient mine de croire à la " restructuration " de l'usine. A présent, ce sont 2 000 personnes qui sont dans l'incertitude. Une petite entreprise sous-traitante, elle, n'attend même plus et a déjà licencié 16 salariés.
Les syndicats ont proposé de continuer le travail pour avoir des stocks et, peut-être, pouvoir les négocier ensuite. Mais ce n'est pas si simple, car tout manque dans l'usine pour continuer l'activité. Pour le moment, les travailleurs rencontrés à la sortie de l'usine ne voient pas encore comment ils pourraient contraindre les capitalistes à payer la note. Certains même voudraient croire que les politiciens vont pouvoir les aider. Mais ils auraient bien tort de compter sur eux.
Les élus des communes environnantes, les députés locaux, toutes tendances confondues, se disent révoltés aujourd'hui, et s'en prennent aux " décisions prises dans le secret des conseils d'administration ". Mais ils ont toujours, dans le passé, hésité à peser sur Metaleurop pour imposer aux actionnaires les mesures nécessaires pour respecter la santé des travailleurs et des riverains, sous le prétexte de vouloir préserver les emplois. Même les Verts se sont prêtés à un semblant de plan de réhabilitation des sols en accord avec la direction de l'usine. Pendant que l'usine continuait de cracher de la poussière de plomb, elle ne déboursait que 60 millions d'euros dans une expérience de dépollution lente du sol.
L'usine a déjà tué : dix morts en 1993, un en 1994, tués par l'explosion d'une colonne de zinc. Mais à part la condamnation symbolique d'un directeur, il n'y avait pas eu d'autre action contre l'usine, et surtout, aucun des politiciens qui font mine de s'indigner maintenant n'avait exigé à l'époque que les actionnaires prennent sur leurs profits pour réaliser les travaux de sécurité nécessaires pour les ouvriers de l'usine et les riverains.
Delevoye, ministre nordiste de Raffarin, promet de réfléchir à une zone franche, à un plan de relance. Roselyne Bachelot (UMP) annonce que " les responsabilités environnementales et sanitaires de Metaleurop seront recherchées ". Et dans ce festival d'hypocrisie, Mer, le ministre des Finances qui a été PDG dans la sidérurgie, se dit " révulsé", lui qui a licencié des dizaines de milliers de travailleurs. S'il y a quelque chose de révulsant, ce sont ces déclarations ministérielles qui versent quelques larmes médiatiques, mais qui encouragent du geste et de la voix les patrons à saccager les emplois et les vies des travailleurs. Il serait vain de croire qu'une solution peut venir des pantins du gouvernement. Les travailleurs devront compter sur leurs propres forces pour imposer que de l'argent soit trouvé pour payer les salaires et les indemnités.
L'émotion est grande et dans la région toutes les discussions évoquent le cas de Metaleurop. Et en effet, l'affaire Métaleurop devrait devenir l'affaire de tous les travailleurs, pour obliger les patrons à prendre sur leurs profits pour payer les salaires, indemniser correctement les travailleurs et réparer les dégâts de l'exploitation capitaliste.