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Éduquer ? non, économiser !
Les deux ministres chargés de l'éducation, Luc Ferry et Xavier Darcos, ont annoncé le 15 janvier leur plan de recrutement pour la rentrée scolaire 2003. 30 000 enseignants seront recrutés par concours : 18 000 pour le secondaire, 12 000 pour le primaire. Et 16 000 assistants d'éducation seront embauchés pour les tâches de surveillance. Les ministres soulignent que cela montre " un effort significatif " de la part du gouvernement. Disons plutôt un effort de vitrine, dans la façon de faire valoir les chiffres.
Les chiffres annoncés antérieurement ont certes été revus à la hausse, en créant 16 000 postes d'assistants d'éducation au lieu des 11 000 prévus. La grève des surveillants et aides-éducateurs du 17 janvier et celle à laquelle les syndicats appellent dans toute l'Education nationale le 28 janvier y sont sans doute pour quelque chose. En tout cas la grogne du personnel de l'Education nationale est bien réelle.
Le gouvernement propose pour 2003 exactement le même nombre de postes aux concours que le gouvernement Jospin pour 2002 (il s'agissait alors du nombre le plus élevé depuis 1995). Mais un moindre mal n'est pas un bien et " l'effort " du gouvernement Raffarin est bien loin de satisfaire aux besoins réels.
C'est évident pour les aides-éducateurs. Les 16 000 postes créés sont censés remplacer les 5 600 postes de surveillants supprimés et les 20 000 aides-éducateurs (nom des emplois-jeunes dans l'Éducation nationale) dont le contrat ne sera pas renouvelé. Cela fera près de 10 000 adultes de moins dans les établissements scolaires. Ils disparaîtront précisément au moment où le gouvernement fait tout un battage au sujet de la sécurité dans les écoles. Cette sécurité, et ce retour à plus de tranquillité, c'est-à-dire à des conditions d'enseignement normales, on ne l'obtiendra pas avec plus de policiers et plus de juges, mais avec plus d'enseignants, de surveillants, de personnel d'encadrement, de service, d'entretien et d'administration.
En ce qui concerne les enseignants, le nombre des postes proposés pour les lycées et collèges, 18 000, est proche des 18 500 réclamés par le Snes, le principal syndicat de l'enseignement secondaire. Mais pour l'enseignement primaire le syndicat SNUipp demandait 16 000 postes, un tiers de plus que les 12 000 proposés par " l'effort " gouvernemental.
Et même si le déficit paraît minime dans l'enseignement secondaire, les nombres globaux et les statistiques nationales ne rendent pas compte de la diversité des situations dans le pays. Car les difficultés scolaires et sociales ne sont pas les mêmes à Neuilly et à La Courneuve, dans des banlieues et à Paris. Or la répartition territoriale des postes, ce qu'on appelle la carte scolaire, au lieu de combattre les disparités, bien souvent les aggrave.
L'académie de Lille, par exemple, devrait perdre l'équivalent de 319 postes dans l'enseignement secondaire et de 99 dans le primaire. Le recteur justifie cela par une diminution du nombre d'élèves. Mais toute la région est socialement sinistrée et les retards culturels y sont énormes, en particulier dans le Pas-de-Calais. Pour stopper la dégradation de la situation, il faudrait plus d'enseignants, des classes nettement moins nombreuses, un meilleur encadrement. Le gouvernement a fait le choix contraire.
Le ministère de l'Éducation nationale avoue crûment que sa préoccupation est de faire des économies : " Nous avons un engagement moral vis-à-vis de Bercy (le ministère des Finances), à qui nous avons expliqué que le ministère de l'Education nationale ne peut pas procéder à une réduction drastique du nombre d'emplois. " Mais il confirme : "L'Éducation nationale assumera sa part dans l'effort de rigueur. "
Le voilà, " l'effort " réel : celui qui vise à " la rigueur ", c'est-à-dire en fait aux suppressions de postes, aux économies sur tout ce qui ne rapporte pas directement des profits.