Retraites : "Il est temps"... pour les travailleurs de réagir16/01/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/01/une1798.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Retraites : "Il est temps"... pour les travailleurs de réagir

Edouard Balladur, sous le titre " Il est temps ", dans une pleine page du quotidien Le Monde, fort de son expérience de démolisseur de la retraite des salariés du secteur privé, donnait ses conseils sur la meilleure façon de s'attaquer aux retraites dans les mois à venir. La réforme des retraites qu'il fit en 1993-1994 est en effet, selon lui, " la seule menée à bien depuis un demi-siècle ".

Les salariés du secteur privé doivent à Balladur d'avoir vu passer le temps de cotisation nécessaire pour partir avec une retraite pleine, de 37 ans et demi auparavant, à 40 ans aujourd'hui. Cet allongement s'appliquait à partir du 1er janvier 1994, à raison d'un trimestre de plus par an, et les 40 ans effectifs s'appliquent donc à partir de 2003. Mais l'attaque portait aussi sur la façon de calculer le montant des pensions de retraite. La période de référence en 2008 portera sur les 25 meilleures années de salaire, au lieu des 10 meilleures, ce qui en général sera défavorable. Enfin, les pensions de retraite ont cessé d'être indexées sur les salaires pour l'être sur le coût de la vie, ce qui pèse bien plus sur le montant des pensions que les retraités touchent. La conséquence est connue de tous les salariés : une diminution du montant des pensions de retraite.

C'est essentiellement sur la méthode que Balladur prodigue ses conseils : " La réforme doit être progressive, afin de ménager autant que faire se peut les transitions. " Il considère qu'il a su, à l'époque, procéder en souplesse. En réalité, la réforme de Balladur est passée plutôt brutalement. Le gouvernement de droite fut mis en place suite aux élections législatives de fin mars 1993. C'est seulement deux mois plus tard, en juin 1993, qu'il présenta son plan d'attaques contre les retraites des salariés du privé. Cette réforme fut adoptée un mois plus tard, en juillet. Et les décrets permettant sa mise en oeuvre parurent fin août, pour une loi qui devait entrer rapidement en application à partir du premier janvier 1994 !

Balladur joua donc sur la rapidité, et utilisa les mois d'été, pour faire passer ces attaques contre les salariés. Ces mesures furent mises en place progressivement s'appliquant aux différentes tranches d'âge. Trimestre après trimestre, cela aboutit à diluer sur la durée la remise en cause des acquis. Cela explique peut-être qu'il fut difficile de réagir à l'époque. Il faut tout de même ajouter que les partis de gauche et les syndicats ne tentèrent rien pour s'y opposer. Cela fut une des rares " réformes " que Balladur ne dut pas remballer face aux réactions de travailleurs (contrairement aux tentatives avortées d'imposer un " plan de redressement " d'Air France supposant 4 000 suppressions d'emplois ou de faire financer les travaux d'entretien et de construction des écoles privées par les collectivités locales, ou encore de créer un SMIC-jeune, réduit à 80 % pour les moins de 26 ans).

La " méthode " Balladur consista en fait surtout à ne pas attaquer les salariés tous en même temps, selon le principe du " diviser pour régner ". Mais aujourd'hui, rien n'est joué. Les travailleurs peuvent déjouer les pièges et faire remballer leurs plans à Chirac et Raffarin et, du même coup, imposer que les prouesses de Balladur, en matière de démantèlement des retraites des salariés du secteur privé, passent à la trappe.

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