Mardi 14 janvier, Arlette Laguiller était reçue en compagnie de notre élue au Conseil régional de Lorraine, Christiane Nimsgern, par les grévistes de l'usine Daewoo de Mont-Saint-Martin qui avaient approuvé sa venue lors d'une assemblée générale la semaine précédente.

Notre camarade a été accueillie chaleureusement par 250 ouvriers, en majorité d'origine immigrée. Les représentants des syndicats ont manifesté leur satisfaction, estimant qu'au-delà des opinions politiques, sa venue contribuait à relancer l'intérêt des médias. Questionnée par ceux-ci, la représentante de la CGT a indiqué que les " politiques " qui souhaitaient venir les soutenir étaient les bienvenus.

La prise de parole de notre camarade, très applaudie, fut suivie d'un débat sur les suites à donner au mouvement où sont intervenus les syndicalistes FO, CGT et CFDT. Quelques grévistes ont demandé à Arlette son avis sur ce qu'il convenait de faire pour gagner. Sans prétendre ni leur donner des conseils ni s'immiscer dans leur décision, Arlette fit part de son expérience et de celles d'autres ouvriers en lutte, comme ceux de Chausson hier et ceux de Reims- Aviation actuellement. A partir de leur usine occupée, ces derniers vont, par groupes de vingt, s'adresser aux ouvriers de la région par qui ils sont très bien accueillis. Voilà un excellent moyen de continuer à faire parler d'eux, de se faire craindre, et du patronat et de l'État, qui ne redoutent rien tant que l'élargissement des luttes.

" Il est scandaleux qu'une entreprise faisant partie d'un grand groupe multinational puisse décider de cesser ses activités et de jeter à la porte ses travailleurs sans même s'occuper de ce que vous devenez, de ce que deviennent vos familles, votre vie. Et c'est toute la région qui subira les conséquences de la fermeture de l'entreprise.

Et c'est d'autant plus scandaleux que Daewoo a touché des subventions considérables et de la part de la Région, et de la part de l'État français, et de la part des autorités européennes.

L'entreprise a empoché cet argent, l'a fait entrer dans ses profits et l'a distribué en dividendes à ses actionnaires qui sont plus riches d'autant. Ils gardent l'argent empoché pendant que vous, vous êtes condamnés à vivre dans l'angoisse des lendemains.

Oui, c'est une escroquerie (...) avec la complicité des autorités de la Région comme du gouvernement, comme des institutions européennes. Une escroquerie sans cesse recommencée car ce genre d'escroquerie n'est pas la spécialité de trusts venus d'ailleurs mais la pratique courante de tous les grands patrons. A commencer par les barons de l'acier qui, il y a vingt-cinq ans, ont transformé la Lorraine en désert industriel après avoir pompé au fil des ans des dizaines de milliards dans le budget de l'État français.

L'avidité patronale n'a pas de nationalité. Pour ces gens-là seuls comptent leurs coffres-forts. Et pour augmenter leurs revenus, ils sont prêts à fouler aux pieds des milliers de vies d'ouvriers et étrangler une région entière.

Le patron de Daewoo est un escroc. Comme l'étaient les de Wendel et leur représentant, Seillière, qui en ont fait autant et à une plus grande échelle encore et qui ont investi ailleurs depuis longtemps l'argent gagné sur le dos des travailleurs de la sidérurgie.

Vous avez raison de lutter contre la décision qu'ils ont prise contre vous derrière votre dos. Vous savez que les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour se défendre.

Alors bien sûr, si la menace d'actions spectaculaires, comme celle de déverser des produits chimiques dans le Chiers, a contribué à faire parler de vos actions, cette menace-là ni même sa réalisation ne suffisent pour faire reculer le patronat. Mais vous avez raison de faire en sorte que cela ne soit pas une affaire entre vous-mêmes et Daewoo dont le patron est d'ailleurs en fuite. Il faudrait que, lorsque le patron d'une entreprise menace de licenciement ses propres ouvriers, l'ensemble des travailleurs réagissent.

(...) Je suis sûre que, malgré les coups que leur portent le patronat et le gouvernement, les travailleurs reprendront confiance en eux-mêmes.

Et alors, nous mènerons tous ensemble le combat que vous menez et que mènent les travailleurs d'autres entreprises qui licencient, souvent seuls, le dos au mur. Nous mènerons tous ensemble le combat à la fois pour interdire les licenciements collectifs, pour augmenter les salaires, pour défendre les retraites. Et dans l'immédiat obtenir des pouvoirs publics qu'ils vous donnent des indemnités qui en soient vraiment et qu'ils vous permettent de retrouver un emploi.

Et je suis particulièrement indignée par cette société qui fait que votre patron qui est un escroc notoire a pu obtenir un passeport français et se mettre à l'abri de la justice, alors qu'une partie des travailleurs, du simple fait qu'ils sont mis à la porte par ce patron escroc, risquent d'être renvoyés dans leurs pays parce qu'ils risquent de ne pas pouvoir renouveler leur carte de séjour s'ils n'ont plus d'emploi.

J'en profite pour dire que je suis pour que tous ceux qui vivent et travaillent ici, en France, aient automatiquement toutes les protections et tous les droits dont bénéficient les travailleurs français.

Alors, je vous souhaite bon courage ! "