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- Lutte ouvrière n°1797
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Leur société
Ce n'est que par la lutte que les travailleurs pourront garantir leurs retraites
Lundi 6 janvier Chirac a annoncé son intention de passer " à l'action " sur les retraites : " Dans les six mois, une étape décisive aura été franchie. Nous aurons garanti la solidité et la stabilité de l'un des piliers de notre modèle social ". Comme le lui demandait son ancien " ami de trente ans " et ancien Premier ministre, Balladur, dans les colonnes du journal Le Monde le jour même : " Retraites... c'est le temps de l'action ".
Quant au contenu de cette action, malgré certaines précautions oratoires du président de la République, les travailleurs ne peuvent ignorer que c'est de la remise en cause de leurs droits à la retraite qu'il s'agit. Quand Chirac dit qu'il veut garantir la retraite à soixante ans, il se garde d'ajouter " avec l'intégralité des droits ". Au contraire, il ajoute qu'il faut " laisser la liberté " à chacun de partir à l'âge qu'il souhaite. Mais quelle hypocrisie, quand on sait que la majorité des salariés de l'industrie arrêtent de travailler avant soixante ans à cause des licenciements économiques, et que les jeunes d'aujourd'hui entrent véritablement dans le monde du travail de plus en plus tard. Comment pourront-ils tous, et à quel âge, atteindre les quarante, voire les quarante-deux ans de cotisations dont parlent certains ?
Les droits à la retraite remis en cause
Allongement des durées de cotisation nécessaires pour avoir une retraite à taux plein, recul de l'âge de départ à la retraite afin d'alléger encore plus qu'aujourd'hui le montant des cotisations des employeurs, développement des fonds de pension à la mode américaine pour permettre au patronat de transférer toujours plus de cotisations des régimes de retraites vers ces fonds qui reviendront dans ses caisses, par l'intermédiaire de la Bourse, sous forme de placements : voilà le programme véritable du gouvernement Chirac-Raffarin. D'ailleurs, s'il y avait le moindre doute sur la question il suffirait de prendre connaissance des déclarations du baron Seillière, le président du Medef, à l'issue de ce discours : en effet celui-ci a vu " dans l'excellente analyse présidentielle, le signe que le Medef n'avait pas parlé pour rien pendant cinq ans ".
Cela fait des années en effet que gouvernements et patronat, aidés par une presse servile, ont entrepris une opération de mise en condition de l'opinion ouvrière afin de préparer les esprits à des attaques supplémentaires sur les retraites, en essayant de présenter comme " inéluctables ", voire " mathématiques " les remises en cause attendues. Leur prétendue vérité, c'est que les régimes des retraites seraient à la veille d'une faillite financière " si l'on maintenait ce qui existe ". Mais en fait, si les rentrées de la Sécurité sociale ont baissé, la première cause en est la baisse formidable des cotisations sociales patronales, le pillage systématique opéré en faveur du patronat sur les caisses de la Sécurité sociale. Ce sont des allégements se montant au final à des centaines de milliards de francs de cotisations annuelles qui ont été offerts au patronat ces dernières années, tant par les gouvernements de droite que par ceux de gauche, et tout particulièrement par celui de la gauche plurielle durant les cinq ans passés.
Mensonges de droite et de gauche
Cette vérité " mathématique ", personne ne veut la rappeler car tous les partis de gouvernement en ont été complices. Tous, à droite comme à gauche, partent de cette idée qui pour eux est un dogme : " les prélèvements obligatoires doivent baisser ", traduisez les cotisations patronales. Car ils partent d'un autre mensonge, démenti par vingt ans de crise larvée ou ouverte, selon lequel la bonne santé financière des entreprises serait la condition première et indispensable au maintien des conditions d'existence de la classe ouvrière.
C'est au nom de ce mensonge qu'on a aidé les employeurs à licencier à leur guise. C'est au nom de ce mensonge que chaque gouvernement a diminué tant qu'il a pu les cotisations sociales des employeurs, et mis un peu plus à mal les finances de la Sécurité sociale et des retraites. Car la seule chose qui n'a pas baissé pendant toute cette période ce sont les profits des entreprises. Les gains de productivité énormes réalisés ces dernières années sont restés intégralement dans les poches des capitalistes. Ces géants de l'industrie, des services et du commerce exigent aujourd'hui des taux de rentabilité de 10 à 15 % par an. C'est pour satisfaire cette soif toujours croissante de super-bénéfices que tous les gouvernements se démènent et qu'on veut fondamentalement remettre en question les droits sur la retraite.
Le vrai problème des retraites, c'est en fait le problème de la répartition des fruits du travail entre bourgeoisie et classe ouvrière, et ce n'est qu'un problème de rapport de force. Même avec les incertitudes actuelles sur l'emploi, il suffirait d'annuler les dégrèvements de charges en faveur du patronat concédés ces vingt dernières années pour que toutes ces caisses soient largement bénéficiaires, et il suffirait qu'une petite partie de gains de productivité soit consacrée chaque année au financement des retraites et de la protection sociale pour qu'il n'y ait aucun problème de financement.
Après des années de reculs sur les droits à la retraite et les droits sociaux des travailleurs, gouvernants et patrons se disent aujourd'hui : et pourquoi ne pas s'attaquer encore plus au système des retraites ? C'est en ce sens qu'ils présentent comme première étape la remise en cause des droits des salariés du secteur public, espérant que cette première attaque et la division qui pourrait suivre favorisent d'autres remises en cause pour toutes les retraites de tous les salariés.
C'est cela qu'il faudra combattre, et c'est seulement par ses luttes que le monde du travail pourra seul imposer ses revendications au patronat et au gouvernement.