Mettre un coup d'arrêt aux mauvais coups du gouvernement25/12/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/12/une1795.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Mettre un coup d'arrêt aux mauvais coups du gouvernement

Lorsqu'on accuse Sarkozy de mener la guerre aux pauvres, il s'en défend en essayant de nous faire croire qu'il vise au contraire à les protéger contre ce qu'il appelle des " fauteurs de troubles ", à savoir, en vrac, les prostituées, les jeunes qui traînent dans le hall des immeubles, les nomades. Mais c'est là un bluff aussitôt démenti par les décisions prises par le gouvernement auquel il appartient et dans lequel il occupe une position de choix, tout autant que par les discours et les votes de la droite. Les gesticulations, soigneusement calculées, d'un Sarkozy, ne servent, entre autres, qu'à faire du brouillard sur le reste.

Car ce serait un leurre de croire que ce gouvernement ne réserve ses coups qu'aux seules catégories à la marge, à des boucs émissaires ciblés, destinés à rassurer " ces braves gens " dont Sarkozy se prétend le protecteur. Les mesures du gouvernement visent aussi, et de plein fouet, les travailleurs et les classes populaires. Depuis sept mois que Chirac a intronisé l'équipe Raffarin-Sarkozy, nombreuses ont été les mesures qui le démontrent.

Sans prétendre les citer toutes, rappelons en quelques-unes.

Ce gouvernement a commencé par s'en prendre aux remboursements des soins par la Sécurité sociale. Puis ce fut aux conditions d'accueil dans les établissements scolaires, par la suppression de 5 000 postes de surveillants et de 26 000 aides-éducateurs, alors que dans le même temps il parlait - mais il n'est pas à une contradiction près - de lutter contre l'insécurité dans les cités populaires.

Applaudi par la droite, le gouvernement a suspendu les articles de la loi dite de modernisation sociale qui retardaient de quelques semaines les échéances des plans de licenciements. Cette loi était symbolique, sans aucun effet sur les plans dits sociaux, laissant totalement les mains libres aux patrons pour licencier à leur guise. D'ailleurs, elle n'a jamais connu le moindre commencement d'application. Mais, symbole pour symbole, le gouvernement a choisi par ce geste d'encourager le patronat à continuer à licencier sans entraves, de plus belle. A supposer d'ailleurs que les patrons aient besoin d'un quelconque encouragement pour le faire.

Autre symbole : le Sénat vient de proposer que l'on abroge une loi, proposée par Robert Hue, et qui fut laborieusement adoptée par la précédente majorité dite de la " gauche plurielle ". Cette loi demandait, en des termes prudents, que les élus puissent contrôler ce que devenaient les subventions attribuées aux entreprises par l'État et les collectivités locales. Cette exigence relève du bon sens. Ce serait la moindre des choses, en effet, de savoir ce que font les entreprises privées de l'argent que leur distribue la collectivité. Cette question légitime, il aurait été judicieux de la poser par exemple aux gros actionnaires de Daewoo, une entreprise qui jette actuellement à la rue des centaines de salariés en Lorraine, après avoir reçu des millions d'euros à la fois de l'État et de la Région. De la même façon, il aurait aussi fallu poser cette question aux actionnaires de Moulinex et à bien d'autres actionnaires d'entreprises dans le même cas. Cette loi Hue n'a pas connu, elle non plus, un début de commencement d'application et risquait de tomber aux oubliettes comme tant d'autres. Il n'empêche ! Sa simple existence était de trop pour ces gens de droite, impatients de montrer que les patrons restaient les seuls maîtres à bord dans leurs entreprises et à la tête de leurs capitaux, même lorsque ces capitaux provenaient des fonds publics ; et que toute liberté devait leur être laissée, ce dont ils ne se sont jamais privés.

L'accord signé entre le Medef et les représentants de trois syndicats avec les encouragements et les félicitations du gouvernement relève de cette même logique de guerre, guerre aux pauvres, guerre aux chômeurs, guerre aux travailleurs.

Cette offensive, le gouvernement la mène méthodiquement, à visage découvert, avec toute l'arrogance de ceux qui pensent que tout leur est désormais permis. Il annonce d'ailleurs les batailles à venir, les mauvais coups qu'il prépare contre le monde du travail. Des projets antiouvriers, le gouvernement Raffarin et la droite en ont plein leur hotte.

Au calendrier pour les premiers mois de 2003 est inscrite, outre de nouvelles privatisations, l'offensive contre les retraites ; dans un premier temps, contre les retraites des salariés du secteur public, puis ensuite, si l'opération réussissait, contre les retraites de l'ensemble des salariés, y compris ceux du secteur privé.

Quand la gauche dite plurielle gouvernait, les patrons avaient tout autant les mains libres pour imposer leur loi. Ils recevaient déjà des milliards de l'État et des collectivités locales, on leur avait donné des droits nouveaux leur permettant d'instaurer la flexibilité du temps de travail. Mais le gouvernement de gauche se sentait obligé de prendre quelques mesures de façade, pour la forme. C'est cette façade que la droite démolit, en mettant beaucoup de coeur à l'ouvrage. Ce que Jospin accomplissait hypocritement, Raffarin le réalise avec arrogance.

Ceux qui nous expliquaient, il y a sept mois, que Chirac était le dernier rempart des libertés, avaient oublié de préciser que la liberté dont il s'agissait c'était la liberté pour les patrons de faire comme bon leur semble, et celle de l'État de saccager un peu plus encore les services publics.

Aujourd'hui, la droite au pouvoir se sent tout permis. Mais elle oublie une seule chose, c'est que les travailleurs peuvent la contraindre à en rabattre et imposer un coup d'arrêt à ses projets. C'est ce qu'il faut souhaiter pour l'année qui vient. Et le plus tôt sera le mieux.

Partager