Élargissement de l'Union européenne : Après le sommet de Copenhague25/12/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/12/une1795.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Élargissement de l'Union européenne : Après le sommet de Copenhague

Le sommet européen de Copenhague, qui vient de se tenir, était présenté comme ouvrant la dernière ligne droite aux dix pays, pour la plupart de l'Est européen, qui devraient rejoindre l'Union européenne en 2004.

En fait, il a été, comme tous les sommets et réunions sur cette question depuis une dizaine d'années, le cadre de marchandages au couteau, étant entendu que ledit couteau se trouve entre les mains des seules puissances qui dominent le continent. Car, au-delà des hypocrites discours de circonstance sur l'Europe " enfin, bientôt, réunie " (bien qu'une quinzaine d'États, et non des moindres, restent à l'écart de la future Europe à vingt-cinq), ces dix pays adhéreront à l'Union européenne en position de subordonnés vis-à-vis de leurs futurs " partenaires ".

Pour des raisons de politique intérieure, la presse et les dirigeants des pays candidats ont fait grand cas des " concessions " que la Pologne ou d'autres auraient arrachées à Copenhague. Mais, quoi qu'ils en disent, à Copenhague pas plus que depuis 1994, quand ont débuté les " négociations " quant à leur adhésion, ces États ne se trouvaient en situation de négocier quoi que ce soit. Et quelle que soit la façon dont les dirigeants est-européens présentent la chose à leur opinion publique respective, cela n'a qu'un très lointain rapport avec le passé le plus récent de pays qui, avant la " chute du mur de Berlin ", appartenaient pour la plupart à ce qu'on appelait le " bloc soviétique ". Avant même que la Guerre froide ne les place de l'autre côté du " rideau de fer ", ces pays, peu ou pas industrialisés et tard venus dans l'arène du développement capitaliste, se trouvaient sous la domination économique, politique et militaire de la France, de l'Allemagne et de l'Angleterre, c'est-à-dire des puissances impérialistes rivalisant pour la domination du continent. À sa façon, le sommet de Copenhague solde donc un intermède d'un demi-siècle. Et cela, sans que grand-chose, quant au fond, ait vraiment changé pour ces pays-là et leurs populations. Et sûrement pas leur statut de pays dits " candidats " à l'Union européenne. Après la disparition du Comecon, une sorte de Marché Commun des pays de l'Est du temps de l'URSS, ces pays, de faible poids économique et financier face aux principales puissances impérialistes européennes, ont vu celles-ci faire main basse sur leurs principales richesses. Avant même de les intégrer formellement, l'Union européenne les avait donc largement fait passer dans son orbite. En fait, ils n'avaient tout simplement pas d'autre choix que d'en passer par là pour survivre.

La bourgeoisie et les couches privilégiées locales y ont évidemment trouvé leur compte, même si c'est dans une bien moindre mesure que les grands groupes industriels, commerciaux et financiers européens et mondiaux dont elles se font, pour partie, les instruments.

Les populations de ces pays, elles, ont surtout vu disparaître certaines protections sociales dont elles disposaient auparavant. Les travailleurs ont fait connaissance avec un chômage qui frise, officiellement, les 20 % dans certains pays alors que, pour éviter toute concurrence, l'" Europe " - c'est-à-dire, les grands groupes, notamment ouest-européens - pousse à la fermeture des principaux employeurs locaux (l'industrie lourde et minière). Et le patronat ouest-européen profite des bas salaires locaux pour délocaliser certaines de ses productions, en tout cas, pour toucher des subventions dites à la " transformation " des pays d'Europe de l'Est... souvent, comme récemment en République Tchèque dans la " zone industrielle européenne " de Brno, avant de fermer pour aller toucher d'autres subventions ailleurs !

Et l'on sait quel sort cette Union européenne réserve aux petits paysans polonais, baltes, hongrois, slovaques ou autres. C'est la mort programmée de leurs exploitations, la mise au chômage de millions d'entre eux, que programment les groupes capitalistes de l'agro-alimentaire européens ou autres.

Qu'une Europe éclatée, morcelée, soit un anachronisme du point de vue des besoins de l'économie et des peuples, cela fait plus d'un siècle qu'après Marx, les socialistes, les communistes et le mouvement ouvrier l'affirment. Deux guerres mondiales ont, au XXe siècle, apporté la preuve effroyable de ce que coûtait aux peuples l'incapacité des bourgeoisies européennes à résoudre cette question. Et même si, depuis, les principales puissances du continent, mais aussi leur rivale nord-américaine, ont imposé une certaine unification à une partie de l'Europe, celle-ci reste bancale et tronquée, socialement injuste, et surtout incapable de porter un réel progrès pour les peuples, et d'abord pour les classes laborieuses. À quinze ou à vingt-cinq, cette Europe-là, celle du capital, ne peut être celle des peuples, des travailleurs.

Mais, demain, lorsque le mouvement ouvrier reprendra confiance en lui-même, en sa capacité à ouvrir au genre humain un avenir meilleur, tant mieux si même cette Europe-là devient le cadre, élargi, des luttes du prolétariat européen pour son émancipation et pour une Europe, un monde, enfin, unifiés, débarrassés des frontières et du capitalisme.

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