L'Union européenne et les pétroliers : Après eux le déluge... noir !18/12/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/12/une1794.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

L'Union européenne et les pétroliers : Après eux le déluge... noir !

Les dirigeants de l'Union européenne ont décidé de bannir plus ou moins complètement et à plus ou moins long terme les pétroliers à simple coque. Dès janvier 2003 pour ceux qui transportent des huiles lourdes (comme la cargaison du Prestige ou de l'Erika). Puis en 2010 pour tous les pétroliers de plus de quinze ans d'âge. En même temps, mais au cas par cas, les pétroliers jugés dangereux pourraient être interdits de navigation dans la zone dite " économique exclusive " de 200 milles (374 kilomètres) autour des côtes.

Il s'agit de faire, mais avec plus de dix ans de retard, ce qu'ont imposé les États-Unis, chez eux, pour tenter d'empêcher les marées noires. C'est une mesure qui est réclamée par l'opinion publique : pourquoi l'Europe ne pourrait-elle faire la même chose que l'Amérique ? Mesure apparemment efficace, puisque celle-ci n'a plus connu de marée noire depuis la catastrophe de l'Exxon Valdès, qui a entraîné la nouvelle législation.

En réalité il s'agit de mesures démagogiques, d'une efficacité douteuse et qui risquent de s'avérer, avec le temps, plus dangereuses que la situation actuelle.

Bien sûr les pétroliers à double coque, qui sont apparus dans les années 1990, étant plus récents, sont en meilleur état. Mais ils vieilliront, et sans doute très mal. En effet l'espace compris entre les deux coques peut, lorsque le pétrolier est à vide, être rempli d'eau de mer (de ballast) afin que le navire ne soit pas trop haut sur l'eau. Du coup les deux coques seront soumises à une corrosion accélérée. Et si la coque interne est plus ou moins poreuse, du gaz peut s'infiltrer dans l'espace intercoque, provoquant un risque énorme d'explosion.

Le public, peu au courant de ces problèmes, plébiscite les doubles coques, alors que les milieux maritimes, experts, navigants, syndicalistes, etc., sont extrêmement réservés.

Mais alors, si les doubles coques ne sont pas la panacée, que faudrait-il faire pour empêcher les marées noires ?

Eh bien, pour commencer, construire dans les règles de l'art, en imposant des cahiers de charges rigoureux et en surveillant l'état des constructions et des réparations navales. Il est à peu près certain que le Prestige a coulé suite à une défaillance de structure. Une plaque de coque mal soudée n'aurait pas résisté à la tempête et se serait détachée du navire. Pour l'Erika ainsi que le Tanio, des défauts de structure auraient aussi été la cause des naufrages.

Non seulement les chantiers de construction et de réparation navale, c'est-à-dire les capitalistes qui investissent dans ces secteurs, ne sont pas spécialement contrôlés, mais le contrôle des navires dans les ports est lui aussi dérisoire.

Dans la quasi-totalité des cas les inspecteurs vérifient les papiers du navire et jugent de l'état général. Et cela sans perdre de temps, car il ne s'agit pas (sauf exception dans des cas de délabrement flagrants) de retarder le départ du bateau. Bien entendu, quand il s'agit d'un navire à peu près neuf, cela suffit le plus souvent. Mais pour un navire douteux, il n'y a pas d'autre solution que de l'examiner à fond. Imposer cela aux armateurs, il n'en est pas question pour les autorités européennes. Ce qu'elles viennent de décider - tout comme les autorités américaines l'avaient fait avant elles - c'est d'envoyer les vieux pétroliers hors d'âge naviguer sous d'autres cieux.

L'Union européenne, qui ne veut ni ne peut contraindre les capitalistes à respecter comme il le faudrait les règles de sécurité, a pris une mesure à l'efficacité douteuse, qui repousse les problèmes au mieux à quelques années.

Partager