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Leur société
Calais : Solidarité avec les réfugiés
La fermeture annoncée du centre de Sangatte n'empêche pas les réfugiés d'arriver dans le Calaisis pour tenter le passage en Angleterre. La police, stationnée en nombre aux endroits stratégiques, les arrête, les embarque manu militari, parfois en les frappant, et les relâche 30 km plus loin, pour leur rendre la vie impossible.
Alors, les réfugiés se terrent là où ils peuvent, dans les blockhaus de la dernière guerre notamment, osant à peine sortir pour manger. Des rondes de police viennent les déloger, parfois avec des fumigènes. La préfecture se vante des 150 interpellations quotidiennes. C'est le préfet lui-même qui le dit :" Toutes les cachettes, tous les squats ou terrains susceptibles d'abriter des réfugiés sont passés au peigne fin par les forces de l'ordre. "
Beaucoup de réfugiés sont déterminés, ils n'ont plus rien à perdre après avoir fui la misère, la guerre ou la terreur en Irak ou en Afghanistan. Quand ils sont arrêtés et qu'ils ne veulent pas demander le droit d'asile, la police leur remet un arrêté de reconduite à la frontière, même s'ils sont Irakiens donc non expulsables, et une invitation à quitter le territoire dans les 48 heures. Certains, pourtant emmenés loin du Pas-de-Calais vers des centres d'hébergement, y sont revenus. Ils savent que, malgré toutes les mesures répressives, chaque nuit un certain nombre d'entre eux, au péril de leur vie, parviennent à passer en Grande-Bretagne.
Dès l'annonce de la fermeture du centre de Sangatte à tout nouvel arrivant, les réfugiés arrivés trop tard ont manifesté devant le hangar pour obtenir le badge permettant l'accès, dans l'espoir de faire partie des réfugiés légalement acceptés par l'Angleterre. Le face-à-face avec les cordons de CRS a duré des heures. Ils ont été finalement embarqués vers le centre de rétention de Coquelles.
La semaine suivante, la veille de la visite médiatique de Sarkozy, un nouveau regroupement d'une cinquantaine de réfugiés s'est installé devant le hangar, face à la police qui au bout de trois heures les a dispersés dans les champs à coups de gaz lacrymogènes.
Le lendemain, c'est dans les rues de Calais qu'ils ont défilé et se sont retrouvés à 150 devant le parc de la ville pour un sit-in. La nuit, la préfecture ayant décidé leur évacuation, les CRS et les gendarmes mobiles les ont encerclés, les ont traînés vers les bus de façon musclée.
La distribution de vivres, qui était faite dans un car stationné devant l'hôtel de ville de Calais par une association caritative depuis l'annonce de la fermeture du centre, a été interdite. Mais, sans doute de peur du scandale qu'une atteinte trop flagrante aux droits de l'homme provoquerait, la préfecture a autorisé, dans une rue plus à l'écart, l'installation d'un mobil-home permettant au collectif de distribuer repas et vêtements, mais avec interdiction de laisser monter les réfugiés à l'intérieur ! Elle a accepté l'installation d'un bloc de quatre cabines de douches dans un autre endroit de la ville. Le maire PCF de Calais est furieux contre ces mesures, car il ne veut pas d'un Sangatte-bis sur sa commune. Les autorités permettent tout juste aux réfugiés de survivre, mais les condamnent à dormir dehors par un froid glacial. Du coup, l'abbé Boutoille a pris l'initiative d'ouvrir à nouveau sa salle paroissiale pour héberger une quarantaine de réfugiés.
La préfecture propose aux réfugiés de demander l'asile en France. Mais la plupart veulent rejoindre des proches en Angleterre et surtout n'ont pas confiance dans la proposition française. Et pour cause ! Les bénévoles des centres d'accueil des migrants sont déjà débordés : " On manque de milliers de places ! Les autorités oublient de dire que, dans la métropole lilloise, des familles en attente du droit d'asile dorment dans la rue. "
La manifestation qui a eu lieu dimanche 15 décembre à Calais, appelée par 1e collectif de soutien d'Urgence aux Réfugiés, a fait chaud au coeur malgré le froid. Nous étions 300 au rassemblement, plus que les fois précédentes, des militants et aussi des gens de Calais et de la région venus dénoncer la politique gouvernementale et exiger " un toit, des sanitaires, des soins pour les réfugiés ". Parmi les slogans les plus scandés, on entendait : " Réfugiés, sans-papiers, solidarité ".
La manifestation passait devant le mobil-home des réfugiés pour leur apporter notre soutien. Plusieurs dizaines de réfugiés nous ont rejoints. Beaucoup sont malades de froid, de faim et de ne pouvoir se laver. Cette fois ils étaient contents de ne plus devoir raser les murs comme des ombres et de se sentir au milieu de gens les accueillant fraternellement. La manifestation s'est terminée par une joyeuse farandole sous la pluie, au son d'un orchestre anglais. Pour les réfugiés, c'était réconfortant de savoir qu'ils ne sont pas tout à fait seuls et, pour nous, de voir que nous sommes un peu plus nombreux à prendre leur défense.