Amiante : En France comme en Europe, la servilité des institutions face au patronat18/12/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/12/une1794.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Amiante : En France comme en Europe, la servilité des institutions face au patronat

Gouvernement et patronat espéraient-ils faire passer leur sale coup en douce ? En tout cas, jeudi 12 décembre, les ministres de l'Emploi et des Finances ont nommé, par décret, trois patrons (deux Medef, un CGPME) au conseil d'administration du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). Or, selon les statuts du FIVA, pour y siéger il faut être membre de la branche AT-MP (accidents du travail-maladies profession-

nelles) de la Sécurité sociale, un organisme dont le Medef et la CGPME ont claqué la porte en 2001, mais où, hasard plus que curieux, ce même jeudi, le Conseil constitutionnel... a réintégré ces organisations patronales !

Alors que se multiplient les procès intentés - et parfois gagnés contre leurs anciens employeurs - par les victimes de cancers professionnels dus à l'amiante, le patronat voit cette situation d'un mauvais oeil. Siéger au FIVA lui permettrait, avec l'aide des pouvoirs publics, d'y contrebalancer les représentants des syndicats de salariés et des associations de victimes de l'amiante, afin de peser dans le sens d'une moindre indemnisation de leurs propres victimes.

Et l'on comprend pourquoi quand on sait qu'en juin dernier le président de la Fédération française des sociétés d'assurances, et alors vice-président du Medef, Denis Kessler, estimait que, dans les vingt ans à venir, il y aurait en France 100 000 à 200 000 victimes de cancers dus à l'amiante. Il chiffrait entre 8 à 10 milliards d'euros ce que cela coûterait.

A qui ? C'est bien la seule chose qui préoccupe le patronat et les pouvoirs publics. Car si, depuis des décennies, les risques mortels liés à cette substance sont connus et ont maintes fois été décrits, nombre d'entreprises (et non des moindres : les Chantiers de l'Atlantique, Saint-Gobain, la RATP, EDF, Everite... pour ne citer que certaines de celles qui ont été récemment traînées en justice par leurs victimes) ont continué imperturbablement à y exposer leurs salariés (et souvent les habitants du voisinage). Et si cela a rapporté gros à leurs actionnaires passés et présents, ces derniers, leurs héritiers, et les pouvoirs publics qui continuent de les protéger, voudraient que cette politique criminelle coûte le moins cher possible au patronat.

En France, en Europe et ailleurs...

Une situation qui n'est pas particulière à la France. Partout de par le monde, les propriétaires des entreprises, petites et grandes, ont agi de la même façon s'agissant de l'amiante : ils ont engrangé des profits en semant la mort à grande échelle. Rien que dans l'Union européenne, la Grèce n'a ainsi interrompu la production d'amiante... qu'il y a six mois. Rien qu'à l'échelle de cette même Union européenne, ce sont sans doute des millions de salariés qui en ont été ou en seront victimes.

Voici ce qu'a déclaré notre camarade Arlette Laguiller, durant la session de mi-décembre du Parlement européen à Strasbourg, à propos d'une recommandation européenne (ô combien tardive !) " sur la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à l'amiante " :

" Mieux vaut tard que jamais, pourrait-on dire de la succession des recommandations visant l'interdiction de l'amiante dans l'Union européenne. Mais ce serait oublier les générations de travailleurs qui sont morts pour avoir travaillé l'amiante, alors pourtant que son caractère nocif était déjà connu. Ce serait oublier les milliers d'autres qui en mourront, même après l'interdiction, dans quelques mois ou quelques années.

Ce serait aussi oublier tous ces propriétaires d'usines, ces actionnaires qui ont fait du profit grâce à l'amiante en sachant qu'il tue, qui ont pu investir leurs gains mal acquis dans d'autres secteurs et qui continuent à s'enrichir pendant que leurs victimes continuent à mourir. Et ces profiteurs de souffrances humaines ne subissent même pas de préjudice financier, car aucun des États d'Europe ne les contraint au moins à indemniser toutes leurs victimes présentes et à venir.

Alors, nous voterons ce texte, bien sûr, mais avec l'écoeurement et la colère que suscitent la servilité des institutions politiques, nationales comme européennes, à l'égard des patrons concernés, servilité qui a si souvent retardé une mesure aussi élémentaire que l'interdiction de l'amiante. "

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