USA : La faillite de United Airlines : un bras de fer contre les travailleurs11/12/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/12/une1793.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

USA : La faillite de United Airlines : un bras de fer contre les travailleurs

Lundi 9 décembre, United Airlines, la deuxième compagnie américaine (et mondiale) de transport aérien, se déclarait en faillite et se plaçait sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites.

A peine s'était-elle déclarée en faillite que la compagnie annonçait qu'elle allait exiger des sacrifices plus importants de ses salariés.

Déjà, en 1994, United Airlines avait imposé aux travailleurs une réduction de 15 % de leurs salaires, ainsi qu'une réduction des cotisations versées par l'entreprise pour leur retraite en échange d'une distribution d'actions de l'entreprise - actions qui ne valent presque rien aujourd'hui. Les hauts cadres, eux, ont fait une très bonne affaire, la compagnie leur ayant racheté au prix fort les actions qu'ils possédaient pour les distribuer aux travailleurs.

En principe, les sacrifices consentis par les travailleurs devaient être provisoires, mais ce ne fut pas le cas. Et lorsque les pilotes obtinrent une augmentation de salaire de 28 % en 2000, cette augmentation ne leur permit même pas de compenser ce qu'ils avaient perdu entre-temps. Quant aux autres travailleurs, ils ont subi pendant huit ans le régime des sacrifices imposés en 1994.

Pendant ce temps, les profits de la compagnie coulaient à flot. Mais au lieu de se préparer à un retournement de situation - qui ne pouvait manquer de survenir dans cette branche de l'aviation qui fonctionne par cycles - United a versé des salaires et des primes énormes à de nombreux cadres dirigeants ; elle a aussi acheté d'autres compagnies, placé de l'argent dans les nouvelles technologies, et elle s'est lancée dans bien d'autres spéculations.

Les attentats du 11 septembre ont sans doute été un choc pour les travailleurs mais les grandes entreprises y ont vu une occasion extraordinaire pour exiger de nouveaux sacrifices de leurs salariés. Ce sont les compagnies aériennes qui ont ouvert le bal.

Le gouvernement s'est empressé d'appuyer leurs demandes et a mis en place un organisme destiné à leur faciliter la tâche : le Air Transport Stabilization Board, le ATSB. Les compagnies aériennes pouvaient obtenir des prêts mais uniquement à condition de réussir à imposer des sacrifices aux travailleurs.

Les dirigeants syndicaux de l'aviation ont d'abord négocié un contrat imposant de tels sacrifices avec la compagnie aérienne US Air, l'une des plus petites, qui s'était elle aussi déclarée en faillite. Pressés par le gouvernement, la direction et leurs propres dirigeants syndicaux, les employés d'US Air n'ont pas trouvé d'autre issue que d'accepter.

Puis ce fut le tour d'United Airlines. Là, il était plus difficile de convaincre les travailleurs de la nécessité de faire des sacrifices. Et en effet, une partie d'entre eux, les ouvriers qui entretiennent et réparent les avions, ont rejeté le contrat concocté entre la direction et leur syndicat, contrat qui impliquait une perte de quelque 40 000 dollars en quatre ans, environ 70 000 F par an, et 8 000 nouvelles suppressions d'emplois (faisant suite aux 17 000 déjà réalisées depuis le 11 septembre 2001) !

Le ATBS avait déjà fait savoir qu'il n'était pas satisfait du plan de redressement présenté par United Airlines, donnant ainsi des arguments à la direction pour réclamer davantage de sacrifices. Mais avant même que la direction ait pu avancer ses pions les mécaniciens ont voté contre l'acceptation de toute espèce de sacrifices.

Le ATBS a alors annoncé son refus d'accorder des prêts à l'entreprise et la direction a annoncé qu'elle n'avait plus d'autre choix que de se déclarer en faillite. Elle s'est aussitôt placée sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites qui lui permet non seulement de poursuivre son activité, mais aussi d'obtenir un nouveau délai pour rembourser ses dettes ainsi qu'un prêt de 1,5 milliard de dollars des banques. Et évidemment cela lui permet d'accentuer son chantage auprès des travailleurs pour obtenir encore des concessions supplémentaires. Quant aux dirigeants syndicaux, ils ont fait savoir qu'ils étaient prêts à renégocier un contrat sur la base de sacrifices supplémentaires.

Tout cela est un véritable jeu de dupes dont le but est d'amener les travailleurs à accepter d'aller contre leurs propres intérêts. L'enjeu est d'autant plus important que les autres compagnies aériennes attendent de voir jusqu'où ira le chantage exercé contre les employés de United pour imposer les mêmes sacrifices à leurs propres salariés.

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