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Dans le monde
Irak : La farce avant la tragédie
Le gouvernement irakien a remis, dans les délais qui lui étaient imposés, un rapport de 12 000 pages afin de démontrer que son pays ne dispose pas d'armes de " destruction massive ".
Aussitôt les autorités américaines, et non l'ONU pourtant destinatrice de ce rapport, l'ont accaparé, prétextant qu'elles étaient mieux outillées que quiconque pour le photocopier - geste hautement suspect, même si la supériorité bureautique des USA est sans doute tout aussi incontestable que sa supériorité militaire !
Pour le moment, sur le terrain, les inspecteurs de l'ONU disent eux-mêmes ne pas avoir trouvé trace " d'armes de destruction massive ", bien qu'ils aient pu visiter jusqu'aux palais présidentiels. L'ONU, qui est censée diriger les inspections, n'a donc rien à reprocher à l'Irak.
Mais cela n'a pas empêché George Bush de déclarer que " les inspecteurs n'ont ni le devoir ni la capacité de découvrir des armes terribles cachées dans un pays vaste. La responsabilité des inspecteurs est simplement de confirmer les preuves d'un désarmement volontaire et total. "
Autrement dit, même si les inspecteurs ne trouvent rien cela ne signifiera pas, aux yeux de Bush, qu'il n'y a rien ! C'est à l'Irak de " prouver " qu'il n'a pas les armes prohibées par les diktats de l'impérialisme, et pas l'inverse. On ne saurait affirmer plus clairement que les inspecteurs ne servent à rien et que, quel que soit le contenu de leur rapport final, Bush se réserve le droit de décider si l'Irak dispose d'armes de " destructions massives ", et donc de lui faire la guerre.
Un raisonnement cynique dont les dirigeants impérialistes ne sont pas avares.
C'est ce qu'a rappelé l'émission du lundi 9 décembre , " Un oeil sur la planète ", en évoquant quelques-uns des énormes mensonges invoqués en 1991 pour justifier la guerre du Golfe.
A la veille de l'intervention américaine, une jeune Koweïtienne avait déclaré, en pleurant, à la télévision américaine qu'elle avait vu des soldats irakiens jeter des bébés hors des couveuses où ils se trouvaient dans une maternité. L'identité de la jeune femme avait été gardée secrète pour de prétendues raisons de sécurité. On apprit par la suite qu'il s'agissait de la fille de l'ambassadeur du Koweït à Washington, qui ne se trouvait certainement pas dans une maternité de son pays à ce moment-là et avait donc menti sans vergogne.
Un autre Koweïtien, un chirurgien, avait néanmoins confirmé - devant l'ONU - les dires de la fille de l'ambassadeur : lui aussi avait vu des cadavres de bébés, une quarantaine. Or il s'est avéré depuis que le chirurgien en question était dentiste, et qu'il n'avait aucune raison d'avoir vu quoi que ce soit.
Dans les deux cas, ces faux témoignages avaient été préparés par les services américains. George Bush père le savait parfaitement, cela avait même pour but de lui permettre de se servir de cet argument une demi-douzaine de fois, juste avant le déclenchement de la guerre. En outre si, comme Bush père l'a dit et répété, Saddam Hussein était parfaitement capable de décapiter des opposants, de faire violer leurs femmes ou de contraindre des parents à assister à la torture de leurs enfants, rien n'a jamais pu démontrer qu'il l'ait fait.
Mais qu'importe ! Les dirigeants américains d'alors avaient besoin d'emporter l'assentiment de l'opinion pour aller punir un dictateur qui avait osé menacer les intérêts des trusts pétroliers occidentaux, et tous les mensonges étaient bons pour justifier leur sale guerre. Tout comme, dans les années 1960, au début de la guerre du Vietnam, ils avaient menti en inventant une attaque maritime du Nord-Vietnam pour s'arroger le droit d'aller bombarder ce pays.
Aujourd'hui Bush junior n'éprouve même plus le besoin de faire l'effort de fabriquer des mensonges pour s'arroger le droit de massacrer la population irakienne. Le fait de nier l'évidence en affirmant que Saddam Hussein ne dit pas la vérité sur ses armements, lui paraît suffisant.
De là à dire que les dirigeants américains ont d'ores et déjà décidé la guerre, c'est autre chose. Pour le moment, ils en sont encore à poursuivre leurs préparatifs en accumulant hommes et matériel au Moyen-Orient, tout en organisant sur place des " manoeuvres militaires en vraie grandeur ", conjointement avec l'armée britannique, à partir de leurs bases dans les émirats du Koweït et du Qatar.
Mais, avec le temps, la combinaison de cette escalade verbale, où les médias se chargeront le cas échéant de faire des mensonges de Bush des vérités universelles, et de ces préparatifs guerriers ne fait qu'alourdir la menace qui pèse sur la population irakienne. Et ce qui peut apparaître aujourd'hui comme relevant d'une mauvaise farce, pourrait bien se transformer demain en un nouveau massacre.