Grande Bretagne : Blair veut faire céder les pompiers11/12/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/12/une1793.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande Bretagne : Blair veut faire céder les pompiers

Environ 20 000 personnes ont manifesté le 8 décembre à Londres, à l'appel du syndicat des pompiers britanniques FBU, pour soutenir le mouvement sur les salaires lancé par ceux-ci depuis le début novembre.

Cette manifestation nationale a été un succès. D'abord parce qu'elle a réuni un cinquième des pompiers du pays (environ la moitié des manifestants) un jour où ils n'étaient pas en grève. Mais aussi parce qu'elle a attiré dix mille autres participants, dont des travailleurs de toutes branches, alors que le FBU n'avait fait aucun effort pour appeler d'autres catégories de salariés à s'y joindre.

Il est vrai que le mouvement des pompiers, en plus de la sympathie dont il bénéficie parmi les travailleurs, est en passe de devenir une sorte de symbole, du fait de l'agressivité de Blair.

Après avoir échoué à faire passer les grévistes pour des " assassins ", Blair est passé à l'offensive sur un autre terrain. Le 21 novembre, alors que le FBU était arrivé à un accord sur une augmentation de 16 % avec les collectivités locales, le gouvernement a mis son veto brutalement, forçant le FBU à maintenir un mot d'ordre de grève de huit jours. Et pendant huit jours, les ministres se sont succédé à la télévision pour expliquer que l'État n'avait " pas les moyens " de payer de telles augmentations dans le secteur public sans risquer d'avoir à augmenter les impôts.

Mais cette argumentation a fait long feu lorsque le ministre des Finances a confirmé de nouveaux cadeaux aux entreprises à partir d'avril prochain et annoncé, en plus, la création d'une " caisse noire " de 1,5 milliard d'euros pour couvrir le coût de la " prochaine guerre contre l'Irak ". Le fait que Blair ose prétendre ne pas pouvoir payer les pompiers ou les travailleurs de la Santé, dont le rôle est de sauver des vies, alors qu'il ne regarde pas à la dépense lorsqu'il s'agit de massacrer des innocents en Irak a choqué bien des travailleurs.

Mais, ce qui a encore plus choqué sans doute, ce fut l'annonce, faite au détour d'une phrase par le vice-Premier ministre et ex-dirigeant du syndicat des marins John Prescott, de 11 000 suppressions d'emplois chez les pompiers. De plus toute rallonge au-delà de 4 % devrait être " auto-financée " par une aggravation des conditions de travail. Ces concessions, que le gouvernement a le culot d'appeler " modernisation ", consistent par exemple à exiger des pompiers, qui font déjà 45 heures par semaine, qu'ils acceptent des heures supplémentaires imposées en fonction des " nécessités du service " (le FBU est l'un des très rares syndicats britanniques à militer contre le principe des heures supplémentaires.

Depuis le 29 novembre, les pompiers ont repris le travail, tandis que les dirigeants du FBU ont accepté de reprendre les négociations malgré les menaces ouvertes du gouvernement, en attendant une nouvelle grève de huit jours, prévue à partir du 16 décembre en cas d'échec. Or cela n'a pas empêché Blair de se livrer à une nouvelle escalade, en menaçant le FBU d'imposer une réforme des conditions de travail des pompiers par voie législative en les privant au passage du droit de grève.

De toute évidence, Blair ne veut pas céder face aux pompiers. Sans doute en partie parce que, derrière eux, bien d'autres catégories de salariés du secteur public pourraient avoir envie de suivre la même voie. Mais aussi, et sans doute surtout, parce que le patronat du secteur privé commence à s'inquiéter de la situation.

C'est en effet une période de renégociation des contrats salariaux dans de nombreuses grandes entreprises, en particulier dans la métallurgie et l'automobile. Or les rallonges prévues par les accords salariaux dans ces secteurs sont de l'ordre de 6 à 7 % seulement sur les deux années à venir - ce qui ne couvre même pas l'augmentation réelle du coût de la vie. Et dans bien des entreprises cela suscite un mécontentement réel, qui s'est exprimé par le rejet des propositions patronales par les travailleurs (par exemple chez PSA-Ryton, ou encore parmi les ouvriers de maintenance des aéroports et ceux de la compagnie de distribution du gaz Transco).

Il y a un réel mécontentement dans la classe ouvrière britannique. Et s'il n'est pas nouveau, cela fait bien longtemps qu'il ne s'était pas exprimé aussi ouvertement. Il ne faut donc pas s'étonner si, dans ce contexte, le mouvement des pompiers prend une signification un peu exceptionnelle aux yeux de nombreux travailleurs.

Les appareils syndicaux en sont d'ailleurs bien conscients, si l'on en juge par le nombre de dirigeants nationaux qui ont tenu à se montrer aux côtés des pompiers lors de la manifestation du 8 décembre, sans avoir rien fait pour inciter leurs propres adhérents à y participer. Ils étaient là non pas pour soutenir les pompiers, ni même pour donner le change face à une montée de la combativité ouvrière - on n'en est pas encore là - mais bien plutôt pour montrer que les pompiers n'ont nul besoin du soutien actif des autres catégories de travailleurs puisqu'ils ont... celui des appareils syndicaux.

Il y a vingt ans, les mineurs - qui étaient pourtant quatre fois plus nombreux que les pompiers d'aujourd'hui - avaient payé d'une défaite, après une grève d'un an, l'isolement corporatiste dans lequel les avaient enfermés leurs dirigeants syndicaux. Aujourd'hui, les appareils syndicaux sont en train de préparer le même sort aux travailleurs qui voudraient se mettre en lutte, pour sauver la mise à Blair et à ses mandants du capital.

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