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- Lutte ouvrière n°1792
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Dans les entreprises
Tours Couture (Joué-lès-Tours) : Les patrons doivent répondre des salaires et des emplois !
Lundi 2 décembre, les 130 salariés de Tours Couture, entreprise de confection de Joué-lès-Tours, des femmes dans leur très grande majorité, ont manifesté dans les rues de Tours pour exiger que leur soient payés les salaires d'octobre et de novembre, exprimer leur inquiétude devant les menaces qui pèsent sur leurs emplois, et dénoncer le cynisme de leur patron, Patrice Bouygues. Pendant ce temps, une délégation était à Paris, où le tribunal de commerce devait se prononcer sur une éventuelle mise en redressement judiciaire.
Patrice Bouygues et ses proches sont à la tête d'une holding, la Société de Luxe Patrice Bouygues (SLPB) qui, outre Tours Couture à Joué-lès-Tours, contrôle les entreprises Bleu Couture et Bleu Studio à Angers, Brault à Coutances, Sidma à Mayenne, et Prestige Service à Paris. Il fait aussi dans l'immobilier, l'informatique et le conseil aux entreprises, et vient de reprendre la confection Weinberg à Bourges début novembre, alors même qu'il n'assurait plus la paye des ouvrières de Joué-lès-Tours !
Le 27 novembre, ce sont les travailleuses de Bleu Couture et Bleu Studio à Angers qui ont appris à leur tour que ces entreprises déposaient le bilan, et qu'en conséquence elles ne toucheraient pas intégralement leur paye de novembre, ni leur 13e mois.
En fait, Patrice Bouygues semble s'être spécialisé dans un type particulier de prédation, à base de rachat d'entreprises plus ou moins en difficulté. Voici deux ans, il a repris ce qui restait de l'ancienne Manufacture Tourangelle de Confection (MTC), installée alors à Tours. Selon les syndicats, Bouygues aurait repris la MTC sans débourser un centime, et aurait même empoché plus de six millions d'euros du propriétaire d'alors, le groupe Gucci, qui avait initialement prévu de consacrer cette somme à la mise en oeuvre d'un " plan social ".
Quelque temps après, la MTC devenue Tours Couture était transférée à Joué-lès-Tours, dans les locaux de l'ancienne usine Tambrands qui avait elle aussi licencié tout son personnel féminin il y a quelques années. C'est sans doute là ce que les pouvoirs publics appellent la réindustrialisation d'un site.
Aujourd'hui, si l'on excepte la petite société parisienne qui chapeaute l'ensemble du groupe, il semble bien que toutes les entreprises dépendant de la SLPB affichent des résultats financiers négatifs. Mais, pour être en permanence au bord du dépôt de bilan, ces patrons sont pourtant loin d'être sans le sou ! Tout comme les patrons précédents, d'ailleurs.
Ainsi Cligman, l'ancien patron de la Manufacture Tourangelle de Confection, qui posséda l'usine des années 1960 jusqu'à la fin des années 1990, est encore propriétaire des terrains et bâtiments situés près du centre de Tours. Ces bâtiments sont actuellement l'objet d'importants travaux, afin d'accueillir une partie des services de la banque en ligne Egg, et l'on imagine sans peine que l'opération sera juteuse pour le propriétaire des lieux.
Pendant des années, les ouvrières de la MTC devenue Tours Couture ont fait dans la confection haut de gamme. À la fin des années 1960, cette entreprise a compté jusqu'à 1000 salariés. Travaillant, entre autres, pour Yves Saint-Laurent, les ouvrières produisaient des vêtements qu'elles auraient été bien en peine de s'offrir avec leurs salaires de misère !
Évidemment, les patrons ont utilisé tous les moyens mis à leur disposition par les gouvernements successifs pour faire supporter leurs prétendues difficultés par la collectivité, telle la loi de Robien qui avait permis à la MTC de bénéficier d'importants dégrèvements de charges, en échange d'une réduction du temps de travail moyen censée éviter des licenciements. Aujourd'hui que la boucle est presque bouclée, c'est encore le Fonds de garantie des salaires qui risque de payer les salaires que Bouygues n'a pas versés.
Ces patrons successifs, Cligman hier, Yves Saint-Laurent qui était l'un des principaux donneurs d'ordres, Bouygues aujourd'hui, ne sont pas sur la paille. Ils ont des capitaux, des propriétés. Ils se sont enrichis pendant des années du travail d'ouvrières qui gagnaient des salaires misérables. Eh bien, c'est sur leurs fortunes, y compris personnelles, qu'il faudrait aujourd'hui prendre de quoi garantir les salaires et l'emploi !