En deux jours, les 23 et 24 novembre, le gouvernement de Chirac et Raffarin a vendu aux enchères les 10,9 % d'actions du Crédit Lyonnais encore détenus par l'État.

BNP Paribas a mis 2,2 milliards d'euros sur la table et a emporté le morceau. Le plus gros groupe bancaire du pays se retrouvait ainsi sensiblement à égalité avec le Crédit Agricole et le groupe d'assurances AGF-Allianz, chacun détenant entre 10 et 11 % du capital du Crédit Lyonnais.

Mais depuis, le président de BNP Paribas, Pébereau, a encore déboursé un milliard de plus en rachetant 5,32 % d'actions du Crédit Lyonnais, ce qui porte sa participation à 16,23 %. Il ambitionne apparemment de mettre la main sur le Crédit Lyonnais. Mais s'il a déboursé autant, c'est bien dans la perspective de rentabiliser son investissement. Et pour qu'une fusion des deux banques (même si elle est pudiquement baptisée " rapprochement ") soit suffisamment rentable pour le ou les nouveaux propriétaires, il faudrait supprimer des milliers d'emplois.

Ce n'est pas d'hier que Pébereau s'intéresse au Crédit Lyonnais. En 1999, il avait déjà affiché son intérêt lorsque le gouvernement Jospin avait privatisé le Crédit Lyonnais. Mais la BNP n'avait pas été invitée à figurer au capital. Parmi les banques et compagnies d'assurances actionnaires, c'est le Crédit Agricole qui détenait le plus gros morceau. Strauss-Kahn et après lui Fabius semblaient même lui promettre à moyen terme la mainmise sur le Crédit Lyonnais.

Les banquiers du Crédit Agricole hésitant, Peyrelevade (le président du Crédit Lyonnais) poussant à fond pour conserver son indépendance, le ministre de l'Economie, Mer, a décidé de passer en force avec une procédure de vente-éCrédit Lyonnaisair. Il est plus que choquant de voir ainsi qu'en un tournemain un grand groupe bancaire peut acheter un gros morceau d'une banque de cette taille, mais cela illustre tout à fait les moeurs et les moyens mis en oeuvre dans le système capitaliste.

BNP-Paribas a de l'argent, beaucoup d'argent, mais veut en gagner encore plus. Et comme le Crédit Lyonnais est redevenu rentable (du fait que ce sont les contribuables qui ont payé pour le " trou " énorme des années 1980), ses bénéfices présents et à venir attirent la convoitise de requins encore plus gros et plus riches que lui.

Lundi 26 novembre, parmi le personnel du Crédit Lyonnais, beaucoup étaient sous le choc. Et ce d'autant qu'ils avaient retenu des journaux télévisés l'impression que la prise en main par BNP-Paribas était quasiment faite.

Peyrelevade s'est alors adressé au personnel pour dénoncer cette vente aux enchères. Mais dans le même temps il n'a pas pu s'empêcher de saluer, avec coquetterie, le prix de 58 euros, présenté par lui comme une preuve que le Crédit Lyonnais fait de bonnes affaires. Il a aussitôt invité tout le personnel... à travailler sans relâche, avec un discours du style " Je m'occupe de tout, et je vous tiendrai informés ".

Les cinq fédérations syndicales de la banque et les délégués nationaux du Crédit Lyonnais ont, dans une conférence de presse commune, insisté sur les risques d'une " mégafusion ", évoquant de 7 000 à 12 000 suppressions d'emplois. L'intersyndicale va écrire à tous les gros actionnaires pour leur demander leurs intentions. Mais comment peut-on croire que ces prédateurs (ils le sont tous) vont confier leurs intentions (qui du reste peuvent varier avec le temps et selon les prix qu'on leur propose pour leurs actions) aux syndicats ?

Toutes ces dernières années, le personnel du Crédit Lyonnais a payé cher pour la politique des banquiers. Le " trou du Crédit Lyonnais " (qui a largement profité à bien des gros capitalistes) a servi de prétexte pour supprimer des emplois par milliers, lors de trois plans dits " sociaux " !

Mais la direction ne s'en est pas tenue là. Dans sa course éperdue à la productivité, elle continue de tailler dans les effectifs. C'est d'ailleurs en partie de ce fait que Peyrelevade peut aujourd'hui se vanter des bénéfices qui figurent " parmi les meilleurs de la place ".

Alors, le personnel n'a absolument aucun intérêt à marcher dans les manoeuvres de Peyrelevade, qui se présente comme le sauveur suprême du Crédit Lyonnais. Il n'a pas plus intérêt à croire ceux qui vont prétendre que les actions détenues par le personnel pourraient servir de barrage dans une future bataille entre capitalistes pour le contrôle du capital de la banque.

Pour refuser de payer une nouvelle fois la note, les travailleurs du Crédit Lyonnais ne peuvent compter que sur leurs propres forces.