Pour ceux qui l'ignoreraient - et ils ont quelques raisons de l'ignorer - un grand débat oppose les institutions européennes et les États-Unis au sujet de la mise en place d'une Cour pénale internationale. Les premières sont pour, les secondes sont contre. Ce qui n'empêche aucunement que de part et d'autre on se revendique de la justice et du droit.

Ce débat opposant des hypocrites à des hypocrites et demi pouvait évidemment nous laisser indifférents, mais puisque la parole nous a été donnée, voilà l'intervention que notre camarade Chantal Cauquil a pu faire en séance plénière du Parlement européen le 24 octobre 2002 :

" Le rejet de la Cour pénale internationale par les États-Unis est significatif de la morgue de ces derniers, mais aussi de ce que cette Cour a de dérisoire et d'hypocrite. Elle est destinée à accréditer l'idée d'une justice internationale et immanente, capable de punir sinon de prévenir les génocides et les crimes contre l'humanité.

Mais si un Tribunal pénal international instruit en effet le procès de quelques crapules qui portent une grande responsabilité dans les massacres en ex-Yougoslavie, si un autre en fait autant pour le génocide au Rwanda, comment oser affirmer que tous ceux qui portent une responsabilité au moins aussi grande seront poursuivis ?

Qui peut croire que seront poursuivis les responsables politiques et les profiteurs économiques de l'ancienne puissance coloniale belge qui ont sciemment dressé les uns contre les autres Tutsis et Hutus ? Seront-ils poursuivis, les dirigeants français dont les troupes présentes au Rwanda ont assisté, l'arme au pied, aux massacres déclenchés par le gouvernement en place, s'ils n'y ont pas contribué en fournissant les armes ? La Grande-Bretagne sera-t-elle poursuivie pour son rôle dans les manoeuvres politiques qui ont tant contribué aux massacres ethniques en Sierra Leone ? Peut-on imaginer que George Bush, qui se prépare au vu et au su de tout le monde à noyer sous les bombes des dizaines de milliers de civils irakiens, sous prétexte de punir leur dictateur, sera poursuivi devant un tribunal pour crime contre l'humanité ? Peut-on imaginer que l'on poursuive les groupes industriels qui, à l'ombre des " va-t-en guerre " de la politique, tirent des profits substantiels de la fabrication et de la vente d'armes de destruction massive ?

Alors, la Cour pénale internationale ne fera qu'ajouter une touche d'hypocrisie à un monde impérialiste où seuls comptent les rapports de forces. "

La réaction d'un député de droite allemand, partisan du " chemin du droit ", a été immédiate : " Il y a dans cette discussion sur la Cour pénale internationale différents points de vue extrémistes. Nous venons d'en entendre un dans l'intervention de Mme Cauquil. Madame Cauquil, il faut que je vous dise très franchement que nous ne voulons pas d'un tribunal révolutionnaire à l'échelle du monde. En défendant ces thèses, vous utilisez la méthode la plus sûre pour mettre en échec l'idée de la Cour pénale. Mais d'un autre côté aussi - et là je suis d'accord avec vous - nous ne voulons pas de cour pénale qui ne soit qu'un alibi entre les mains des grandes puissances. "

Laissons donc ce député, par ailleurs membre du conseil diocésain de l'archidiocèse de Munich, aux prises avec sa conscience.