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Dans le monde
La Réunion : Grève à la Shell Socodira
Commencée à la mi-octobre, la grève de la Shell Socodira à Saint-André, dans l'île de la Réunion, a duré une semaine.
Dans cette station-essence bien placée, puisque c'est la seule sur la quatre-voies menant de la préfecture Saint-Denis aux villes de l'Est, le ras-le-bol des salariés a éclaté le mardi 15 octobre. Ce jour-là, ils se sont mis en grève à onze sur les treize que compte la station, suite au refus de leur patronne de les recevoir pour discuter de leurs revendications. Ils demandaient à ce que les onze points posés soient réglés, le premier étant " le droit d'aller aux toilettes sur le temps de travail ". Cela donne une idée de l'ambiance que fait régner la patronne qui, sans honte, avait affiché une note de service demandant aux travailleurs d'" aller faire leurs besoins avant ou après le travail mais pas pendant " !
Les autres revendications portaient sur le paiement des heures supplémentaires, le respect des contrats de qualification, puisque des jeunes employés étant bien souvent obligés de travailler plus de 50 heures par semaine sont de ce fait empêchés d'assister à leurs cours. A tous ces motifs de mécontentement s'ajoutaient le travail sept jours sur sept, les salaires bloqués au Smic pour certains depuis huit ou neuf ans, et bien des humiliations trop longtemps endurées.
Afin de tenter de briser la grève, la patronne fit appel à des gros bras pour tenir les pompes. Ces individus étaient là pour menacer aussi les grévistes d'un cassage de gueule ou bien même de mort. Et cela sans compter les injures racistes.
Tout le temps de la grève, l'accès à la station fut laissé libre, ce que put d'ailleurs constater un huissier commandé par la direction. Soutenus par des militants de la CGTR (la CGT réunionnaise) de plusieurs secteurs, ainsi que par des conducteurs de " cachalots " (les poids lourds servant au transport de la canne à sucre) qui sortaient d'une grève victorieuse, les grévistes ont cherché le soutien des usagers en distribuant des milliers de tracts sur les raisons de leur grève. Ils sont aussi intervenus sur les ondes de Radio-Freedom, à la télévision et via la presse quotidienne de l'île. Le résultat fut que, rapidement, les voitures et des camions cessèrent de s'arrêter à la station, sinon pour discuter avec les grévistes.
Ainsi touchés au porte-monnaie, les dirigeants de la station firent alors donner le père de la patronne qui pour la circonstance s'auto-proclama " délégué aux affaires litigieuses ". Un entretien eut lieu le lundi 21 octobre entre la direction et une délégation de grévistes accompagnée de militants de la CGTR. Neuf des onze points furent acceptés mais pas la levée des sanctions ni la menace de sanctions pécuniaires en cas de chèques impayés. De la même façon, la direction n'accepta pas non plus de payer les jours de grève, si bien que les grévistes votèrent à l'unanimité la poursuite du mouvement.
Mais lors des négociations qui reprirent le lendemain, les patrons levèrent sanctions, menaces et acceptèrent de payer les jours de grève ou bien de les prendre sur les jours de congé. La grève se terminait ainsi par un recul important de la part de patrons jugés auparavant intouchables.
Les employés doivent tout de même rester vigilants, puisque suite à une demande de communication des plannings, la patronne faisait savoir, aux grévistes uniquement, qu'ils devraient dorénavant travailler de 6 heures à 8 heures puis de 14 heures à 19 h 30, alors qu'avant ils travaillaient en journée continue de 7 heures à 13 heures ou de 12 heures à 19 h 30. Sachant que la plupart des travailleurs habitent assez loin de leur lieu de travail, il s'agissait bien d'une mesure de rétorsion à leur encontre. Mais que la direction se méfie, bien des travailleurs de la Socodira disent qu'ils sont prêts à remettre ça si nécessaire.